Hares Mohammadi, un bodybuilder afghan dans un salle de musculation à Kaboul, le 16 avril 2018
Un bodybuilder afghan s'échauffe avant une compétition à Kabouk, le 18 avril 2018
Une compétition de bodybuilding à Kaboul, le 18 avril 2018
Dans une salle de musculation à Kaboul, le 9 avril 2018
Le bodybuilding ou la quête de la beauté ultime à Kaboul, malgré la violence
Hares Mohammadi, un bodybuilder afghan dans un salle de musculation à Kaboul, le 16 avril 2018
Un bodybuilder afghan s'échauffe avant une compétition à Kabouk, le 18 avril 2018
Une compétition de bodybuilding à Kaboul, le 18 avril 2018
Dans une salle de musculation à Kaboul, le 9 avril 2018
De la musique indienne, un poster d'Arnold Schwarzenegger, des biceps saillants, des grognements et de la sueur: les salles de musculation sont légion à Kaboul, où le bodybuilding relève d'une quête de la beauté ultime, dans cette ville déchirée par la guerre.
Hares Mohammadi, un étudiant en droit et sciences politiques de 25 ans, soulève de la fonte avec application. Puis il prend différentes poses soulignant sa plastique travaillée, en vue d'une compétition à venir.
"Tout le monde, partout en Afghanistan, veut avoir une belle silhouette. Ce sport est le préféré de tous les jeunes hommes", affirme-t-il dans la salle de sport bondée.
Dans un quotidien marqué par une insécurité croissante et une menace terroriste omniprésente, se forger un physique avantageux permet de "laisser son empreinte", voire de "devenir un modèle", poursuit le jeune homme aux cheveux courts, adepte de "nourriture saine" et de compléments protéinés.
Outre Schwarzenegger, d'autres gros bras d'Hollywood et de Bollywood, Sylvester Stallone ou Salman Khan ornent les murs des salles de musculation, un sport pratiqué de longue date en Afghanistan.
Même les talibans, qui interdisaient la musique et détruisaient les postes de télévision durant leurs cinq années au pouvoir (1996-2001), en autorisaient la pratique. Les sportifs étaient toutefois contraints de porter un pantalon durant leurs entraînements.
Aziz Arezo, 65 ans, légende du bodybuilding afghan, fut l'un des pionniers de la discipline. Dans ses jeunes années, "très très peu de gens" connaissaient ce sport, raconte-t-il dans sa petite salle à Kaboul, entre deux sessions aux haltères.
- "Inspiration" -
Lui-même s'y est mis en visionnant des films d'action étrangers. Et en s'inspirant de posters et cartes postales de ses idoles, il s'est décidé à ressembler à... Schwarzenegger, sacré Mr Olympia, ou champion du monde de culturisme, à sept reprises dans les années 1970.
A cette même époque, le Comité olympique afghan nomme Aziz Arezo premier maître de bodybuilding. "J'ai été mon propre professeur", se rappelle-t-il.
Des pièces automobiles lui ont servi à fabriquer ses propres accessoires, notamment des haltères, qu'il dit "plus efficaces que les étrangers".
Il n'est toutefois resté que quatre mois dans un Kaboul gouverné par les talibans, fuyant un temps la ville pour échapper aux "restrictions" que ces derniers imposaient, explique-t-il.
Il explique avoir entraîné durant sa carrière des centaines de jeunes Afghans, malgré la concurrence. "Aujourd'hui, les clubs de bodybuilding sont partout dans la ville. Et chacun s'est fait sa salle", commente-t-il.
Mais les méthodes modernes le laissent de marbre. "Si vous faites du sport naturellement, c'est mieux que les protéines" et les "hormones" qui sont "nocives pour la santé", dit-il dans sa petite salle à Kaboul.
"Avant de m'entraîner, je buvais du jus de banane et de carotte. Après l'effort, je prenais deux œufs, trois verres de lait, un bol de haricots et de lentilles", raconte-t-il.
Mais "aujourd'hui, le bodybuilding n'est plus naturel", déplore-t-il.
Il joue pourtant un rôle tout particulier dans un pays qui n'a guère connu que la violence depuis qu'il a été envahi par les troupes soviétiques en décembre 1979, il y a bientôt quatre décennies.
- Frustration sexuelle -
"Le sport peut aider à réduire le stress, l'anxiété", analyse Ali Fitrat, professeur de psychologie à l'université de Kaboul, alors que les Afghans ont "souffert socialement, culturellement, financièrement et politiquement", notamment de "l'insécurité et des combats en cours" ou encore du manque d'emplois, qui ont nourri des "traumatismes".
Il cite la "frustration sexuelle" comme une autre importante source de stress, dans un pays très conservateur où hommes et femmes n'interagissent que rarement. "Les gens n'ont pas accès au sexe. (...) Mais le sexe est un besoin" et l'incapacité à le satisfaire génère des tensions, souligne M. Fitrat.
Antidote contre les multiples maux afghans, le culturisme se retrouve pourtant lui-même menacé par la détérioration sécuritaire dans Kaboul.
La capitale afghane est devenue selon l'ONU l'endroit le plus dangereux du pays pour les civils, avec depuis un an une recrudescence des attentats d'ampleur, généralement perpétrés par des kamikazes et tour à tour revendiqués par les talibans ou le groupe Etat islamique.
Depuis le début de l'année, au moins quinze attentats ont frappé Kaboul, faisant des centaines de morts et de blessés. De nombreux sportifs limitent désormais leurs déplacements pour se protéger.
Aziz Arezo a ainsi constaté une baisse de la fréquentation de son club. "Ces temps-ci, soupire-t-il, les gens sont plus soucieux de fuir du pays que de faire du sport."
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