Bien-être animal Le caviar de labo, un nouveau luxe éthiquement plus acceptable?

Relax

16.5.2023 - 19:10

Dans les laboratoires qui produisent de la nourriture sous microscope, on ne fabrique pas que du steak ou du filet de poisson. On tente aussi de reproduire des mets de luxe comme le caviar, notamment pour trouver une issue à la problématique du bien-être animal.

Une start-up sud-coréenne a réussi à fabriquer du caviar sous microscope en utilisant des crevettes et des algues.
Une start-up sud-coréenne a réussi à fabriquer du caviar sous microscope en utilisant des crevettes et des algues.
ahirao_photo / Getty Images

ETX Studio

De la viande, du saumon, du thon ou même des huîtres... Et maintenant du caviar! Une start-up sud-coréenne a annoncé il y a quelques jours avoir réussi à mettre au point des oeufs d'esturgeon sous microscope. Rien n'est dit sur la recette si ce n'est qu'elle est à base de crevettes et d'algues et qu'elle s'inspire de la variété de caviar osciètre. Ce caviar de laboratoire aurait un goût iodé moins prononcé et une texture différente de celle des oeufs d'esturgeon traditionnels. Surtout, CellMeat – c'est le nom de l'entreprise à l'origine de ces recherches, s'est enorgueillie de proposer le fameux mets de luxe sans avoir besoin de tuer un seul esturgeon.

Une évidence pour la jeune société asiatique qui a précédemment mis au point son propre milieu de culture pour le développement de tissus cellulaires comestibles en remplacement du controversé sérum foetal bovin. Pour stimuler la production d'un morceau de viande à partir de cellules souches, il est en effet nécessaire d'ajouter une sorte d'élixir riche en nutriments, en facteurs de croissance et en hormones, prélevé sur une vache allaitante envoyée à l'abattoir. Outre son coût de production astronomique, l'un des défis majeurs de la culture cellulaire réside dans la capacité des laboratoires à utiliser un sérum de synthèse. L'enjeu est en effet de résoudre la problématique du bien-être animal. Les entreprises qui produisent de la viande de culture ne peuvent en effet prétendre résoudre cette question si elles continuent d'utiliser ce sérum foetal bovin...

Trouver des alternatives au sacrifice des esturgeons

Le caviar de synthèse sud-coréen n'est pas une première tentative à l'échelle de la planète. C'est au Royaume-Uni que l'on revendique la mise au point du premier caviar produit sans animal. Exmoor Caviar qui dispose d'une ferme d'esturgeons dans le Devon utilise aussi les oeufs noirs pour en extraire des cellules. La société britannique s'est associée les services de scientifiques anglais pour développer un caviar de laboratoire, qui bénéficie de sa propre marque. Le patron Ken Benning avait déclaré en début d'année que cette fabrication ne permettrait pas de réduire drastiquement le prix du mets très recherché, mais de le rendre plus éthiquement acceptable. «Etre éthique, c'est le nouveau luxe», avait-il indiqué au média Business Insider.

Le sud-coréen CellMEAT utilise le même argument pour expliquer les raisons de ses recherches, soulignant que les esturgeons sont éventrés vivants pour en extraire les précieux oeufs. A noter que l'on les récupère aussi après avoir tué les esturgeons, comme le confirment sur leur site internet différentes marques productrices telles que Sturia ou Kaviari. Cependant, le fabricant de caviar en Dordogne De Neuvic indique sur son site web qu'il existe des méthodes de reproduction in vitro permettant de ne pas tuer les femelles esturgeons. Une injection d'hormones puis une césarienne permettent de prélever les oeufs. Néanmoins, la marque française partage ses doutes quant à la qualité de ce type de caviar, «théoriquement impropre à la consommation en Europe», selon son blog.

Au-delà du débat quant aux méthodes de prélèvement des oeufs d'esturgeons, WWF précise bien qu'il s'agit d'une espèce menacée et que leur population a diminué de 70% au cours du dernier siècle, en raison de la surpêche, de la pollution de l'eau et de la destruction des habitats. Concernant le caviar, «la pêche légale, hautement contrôlée, ne suffit pas à couvrir la demande. Le trafic est donc florissant et menace des espèces déjà décimées. Une grande partie des esturgeons capturés à l’état sauvage le sont en mer Caspienne», écrit le Fonds mondial pour la nature. Le caviar étant un symbole des repas luxueux et raffinés, nous n'en sommes sans doute qu'aux prémices des recherches pour le reconstituer sans compter sur le sacrifice des esturgeons...