«Ici, on nous paie 1500 dollars» Le Niger, nouvel Eldorado des mercenaires syriens proturcs

ATS

16.5.2024 - 07:56

Comme des centaines d'autres combattants proturcs, Omar a quitté le nord de la Syrie pour le Niger. Il a été acheminé dans ce nouvel Eldorado des mercenaires syriens par une société de conseil militaire privée turque.

Ahmed, un combattant syrien pro-turc de 30 ans utilisant un pseudonyme, marche avec son fils dans un champ dans le nord de la province d'Alep, en Syrie, le 26 avril 2024. - Ces derniers mois, au moins 1 000 combattants syriens pro-turcs ont été envoyés au Niger "pour protéger les projets et les intérêts turcs", selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme. (Photo de l'AFP)
Ahmed, un combattant syrien pro-turc de 30 ans utilisant un pseudonyme, marche avec son fils dans un champ dans le nord de la province d'Alep, en Syrie, le 26 avril 2024. - Ces derniers mois, au moins 1 000 combattants syriens pro-turcs ont été envoyés au Niger "pour protéger les projets et les intérêts turcs", selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme. (Photo de l'AFP)
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«Les conditions difficiles en Syrie m'ont poussé au départ», dit cet homme de 24 ans, joint au téléphone par l'AFP au Niger et qui a eu recours à un nom d'emprunt.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG proche des rebelles syriens, un millier de combattants syriens venant des régions sous contrôle turc sont partis au Niger depuis un an pour y «protéger des intérêts et des projets turcs». Certains n'en sont pas revenus, d'après l'OSDH, qui dénombre au moins neuf tués parmi ces mercenaires.

Dans les régions du nord de la Syrie contrôlée par la Turquie, où l'enrôlement au sein de factions pro-Ankara constitue le principal débouché selon Omar, son salaire mensuel ne dépassait pas les 46 dollars.

Contrats de six mois

«Ici au Niger, on nous paie 1500 dollars», ajoute le jeune homme, qui fait vivre sa mère et ses frères et soeurs: «J'espère pouvoir abandonner le combat à mon retour et ouvrir un petit commerce». Omar faisait partie d'un premier groupe de plus de 200 combattants qui ont quitté le nord de la Syrie à la mi-août pour la Turquie.

Le jeune homme et deux autres combattants syriens proturcs joints par l'AFP ont indiqué s'être portés volontaires pour partir au Niger auprès du groupe Sultan Mourad, la principale faction proturque dans le nord de la Syrie.

Au quartier général du groupe, ils ont signé des contrats de six mois avec une société de conseil militaire privée turque, Sadat, qui protège des intérêts turcs, notamment des mines, au Niger.

Sadat est considérée comme l'arme secrète de la Turquie pour ses opérations extérieures, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, même si son chef l'a démenti lors d'un entretien avec l'AFP en 2021.

Libye, Azerbaïdjan, Niger

En 2020, un rapport du Département américain de la défense affirmait que Sadat avait envoyé des équipes en Libye former des combattants syriens pour soutenir le gouvernement de Tripoli.

Le centre syrien pour la justice et la responsabilité affirme que Sadat était également «responsable du transport aérien international de mercenaires» vers la Libye et l'Azerbaïdjan, en guerre contre l'Arménie, via la Turquie. Interrogé par l'AFP, le ministère turc de la défense a affirmé que «toutes ces allégations étaient fausses».

De la Turquie, un avion militaire a transporté Omar et ses camarades au Burkina Faso, d'où ils ont été acheminés par la route vers le Niger, où le régime militaire est confronté à la violence islamiste.

Omar affirme avoir d'abord été chargé de protéger une position proche d'une mine, alors que d'autres de ses camarades ont été envoyés combattre le groupe armé Boko Haram ou chargés d'une mission à Lomé au Togo. Il n'a pas été précisé d'où venait les instructions qui leur ont été données.

Actuellement, Omar a achevé sa mission et se trouve dans une position proche de la frontière avec le Burkina Faso, où il attend impatiemment son rapatriement. Sa famille reçoit son salaire, sur lequel la faction proturque, dont il fait partie, prélève 350 dollars par mois.

Présence discrète

Ahmed, qui se prépare à partir, indique de son côté que sa mission au Niger consisterait, après avoir suivi un entraînement militaire, en des opérations de garde. Le combattant, qui confond le Niger et le Nigeria, dit qu'il pourrait également prendre part à «des combats», sans savoir contre qui.

Ce père de trois enfants, qui porte les armes depuis 2014, a indiqué avoir déjà passé six mois en Libye, touchant plus de 2000 dollars par mois. La présence de ces mercenaires est très discrète, et tous les combattants qui se sont enrôlés ou qui se sont rendus au Niger ont parlé à l'AFP sous couvert d'anonymat pour des raisons de sécurité.

La Turquie multiplie les initiatives en direction des régimes militaires du Sahel et notamment du Niger, pays clé car situé à la frontière sud de la Libye, où Ankara est accusé d'avoir envoyé des milliers de mercenaires.

Le régime militaire du Niger, issu d'un coup d'Etat perpétré le 26 juillet 2023, a réorienté sa politique étrangère, dénonçant des accords de coopération militaire avec la France et les Etats-Unis, alors que la Russie avance ses pions dans ce pays.

Pour sa part, la Turquie a accru au cours de la dernière décennie son influence au Niger par le biais «de l'aide humanitaire, du développement et du commerce», explique Gabriella Körling, analyste à l'agence suédoise de recherche pour la défense.

La TRT, la chaîne publique turque, a ainsi ouvert l'an dernier une chaîne en français destinée à l'Afrique.