Stratégie «De la ferme à la fourchette» Le pacte vert de l'UE, épouvantail des agriculteurs

ATS

29.1.2024 - 07:37

Les agriculteurs qui manifestent à travers l'Europe critiquent volontiers le «pacte vert» de l'Union européenne (UE), décliné dans une série de législations environnementales. La plupart d'entre elles sont cependant pas encore entrées en vigueur.

Etats membres et Parlement européen se sont entendus en novembre sur la législation imposant des objectifs de restauration des écosystèmes abîmés, accord qui doit être entériné par les eurodéputés dans les prochains mois. (image d'illustration)
Etats membres et Parlement européen se sont entendus en novembre sur la législation imposant des objectifs de restauration des écosystèmes abîmés, accord qui doit être entériné par les eurodéputés dans les prochains mois. (image d'illustration)
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Keystone-SDA

Dans le volet agricole du pacte vert, qualifié de stratégie «De la ferme à la fourchette», voici les principaux textes jugés problématiques par les manifestants.

Avant le pacte vert, la nouvelle PAC

Adoptée en 2021 et premier poste du budget de l'UE, la nouvelle politique agricole commune (PAC) s'applique depuis janvier 2023, conditionnant le paiement des aides directes aux exploitations au respect de normes environnementales, pour préserver la biodiversité.

Figure notamment l'obligation de laisser 4% des terres arables en jachère ou en «infrastructures agroécologiques» (haies, bosquets, fossés, mares), taux pouvant descendre à 3% sous conditions. Des «écorégimes» offrent des primes additionnelles aux agriculteurs participant à des programmes environnementaux plus exigeants.

Mais nombre d'agriculteurs se plaignent désormais de paiements en retard, car suspendus à des contrôles jugés tatillons sur le terrain.

Restauration de la nature

Etats membres et Parlement européen se sont entendus en novembre sur cette législation imposant des objectifs de restauration des écosystèmes abîmés, accord qui doit être entériné par les eurodéputés dans les prochains mois.

Si le texte oblige les Etats à prendre des mesures pour inverser le déclin des populations de pollinisateurs d'ici à 2030, le reste du volet agricole a été fortement assoupli au fil des négociations.

Les Etats devront prendre des mesures «visant à parvenir à des tendances en hausse» pour deux des trois indicateurs (papillons de prairies, carbone dans le sol, part des terres agricoles «à haute diversité"), avec des objectifs de population d'oiseaux en campagne.

Enfin, 30% des tourbières drainées utilisées en agriculture devraient être restaurées d'ici à 2030, dont au moins un quart en les réhumidifiant, 40% d'ici à 2040 et 50% d'ici à 2050, mais avec des «souplesses» possibles selon les Etats et «sans obligation» de remise en eau pour les agriculteurs et propriétaires privés.

En revanche, l'objectif indicatif proposé par Bruxelles pour l'extension de zones «à haute diversité» (haies, étangs, arbres fruitiers) sur 10% des terres agricoles à l'échelle de l'UE (et non par exploitation) a disparu, face à la bronca des eurodéputés de droite, qui y disaient y voir une menace possible pour la sécurité alimentaire.

Emissions des élevages

Un texte sur les «émissions industrielles», finalisé à la fin novembre entre Etats et eurodéputés, élargit considérablement le nombre d'installations d'élevage intensif de porcs et de volailles concernées par des normes exigeantes via l'abaissement des seuils en matière de taille, mais avec une mise en oeuvre très progressive. Contrairement à ce que proposait la Commission européenne, les élevages bovins ont été exclus.

Un autre texte en discussion fixe de nouvelles normes pour certifier le stockage de carbone, notamment celui absorbé dans les sols agricoles ou les forêts, ce qui pourrait ouvrir la voie à la vente de crédits sur le marché carbone, offrant des revenus aux agriculteurs.

Pesticides

Les eurodéputés ont rejeté en novembre un projet législatif visant à réduire de moitié d'ici à 2030 l'utilisation et les risques à l'échelle de l'UE des produits phytosanitaires chimiques (par rapport à la période 2015-2017), tandis que les discussions s'enlisent au niveau des Etats, rendant très improbable toute avancée d'ici aux élections européennes de juin.

La Cour de justice de l'UE a de son côté banni en janvier 2023 toute dérogation à l'interdiction – en vigueur depuis 2018 – de trois néonicotinoïdes en plein champ, provoquant une déflagration chez les betteraviers. Mais cette décision n'est pas liée au pacte vert, pas plus que la reconduction pour 10 ans de l'autorisation du glyphosate décidée à la mi-novembre par Bruxelles.

Bien-être animal

La Commission européenne a proposé au début décembre de limiter le temps de transport des animaux destinés à l'abattage, dans le cadre de nouvelles règles sur le bien-être animal, attendues depuis des années par les ONG, mais finalement limitées aux transports sans viser les conditions d'élevage. Les négociations législatives viennent de commencer.

Parallèlement, Bruxelles a indiqué le mois dernier vouloir assouplir le niveau de protection dont bénéficient les loups dans l'UE, jugeant que leur trop grand nombre pouvait menacer le bétail.

Emballages et score nutritionnel

Dans un texte visant à verdir les emballages, les eurodéputés ont voté en novembre une exemption sur les boîtes de camembert et autres fromages emballés dans du bois, tout en supprimant les restrictions proposées sur les emballages plastiques pour fruits et légumes, que les Etats au contraire soutiennent. Le texte est toujours en négociation.

En revanche, Bruxelles a renoncé à proposer une très attendue proposition sur un étiquetage nutritionnel (type Nutriscore) harmonisé à travers l'UE, initialement attendue dès 2022 et qui suscitait l'inquiétude de plusieurs Etats et du monde agricole.