Il rejoint le privéLe «pantouflage» de Jean Rottner fait bondir les élus
ATS
30.12.2022 - 20:12
Président démissionnaire de la région Grand Est, Jean Rottner va rejoindre le cabinet de conseil et promoteur immobilier Réalités, une annonce qui suscite une pluie de critiques chez les élus régionaux.
Keystone-SDA
30.12.2022, 20:12
30.12.2022, 20:20
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«Le groupe Réalités annonce l'ouverture à l'été 2023 de sa Direction régionale Grand Est. Elle sera dirigée par Jean Rottner qui, après avoir quitté la vie publique, rejoint l'aventure entrepreneuriale», indique vendredi la société sur son site internet.
Cotée en bourse, la société Réalités se présente comme «un groupe de développement territorial», menant des projets immobiliers comme l'extension du stade Bauer à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), avec la Banque des territoires, ou l'aménagement d'un nouveau quartier à Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor).
Le 20 décembre, Jean Rottner (LR) avait annoncé qu'il quittait la vie publique et se retirait de «l'ensemble de (ses) mandats» en raison «d'impératifs familiaux». Sa démission du Conseil régional est effective depuis ce vendredi. Il demeure président de la Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU) jusqu'au 2 janvier.
Conflits d'intérêts
Ce recrutement a provoqué de vives réactions de la part des élus du conseil régional, certains pointant un risque de conflit d'intérêts, d'autres y voyant une atteinte à la ligne politique de la région et à la sincérité du scrutin régional de juin 2021.
«Cette annonce vient un peu vite, ce qui laisse penser que c'était déjà conclu depuis un certain temps», a réagi auprès de l'AFP Eliane Romani, chef de file du groupe écologiste. Jean Rottner «utilise le réseau qu'il a acquis dans ses fonctions publiques pour aller servir une organisation privée qui a des rapports avec les collectivités, c'est une définition du pantouflage», a-t-elle complété.
«Il part avec une quantité de données territoriales importante», s'est inquiété Christophe Choserot (Renaissance), membre du groupe centriste et maire de Maxéville (Meurthe-et-Moselle). «On était en pleine révision du Sradet (schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires, ndlr) il sait exactement quelles vont être les modifications de ce schéma, quels sont les atouts et les difficultés des territoires, ce n'est pas rien».
«Qui est mieux placé qu'un président de région pour faire du conseil et de l'accompagnement territorial?», s'est-il interrogé. «Peut-être qu'un jour en tant que maire, je vais le recevoir pour tel ou tel projet, c'est troublant», a-t-il souligné.
«La prise d'une telle position ne se fait pas sans l'accord de la HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique)», a déclaré Jean Rottner à l'AFP.
Saisie en juillet par l'élu, la HATVP avait rendu en septembre un avis «compatible avec réserves», dans lequel elle l'invitait à «s'abstenir, dans le cadre de son activité privée, d'accomplir toute démarche auprès des élus et des agents de la région Grand Est».
«Tromperie des électeurs»
«On ne connaissait pas trop les raisons de son départ, maintenant on sait», a déclaré Michaël Weber (PS): «il avait une opportunité professionnelle avec un meilleur salaire et sans doute moins d'emmerdements».
Le maire de Woelfling-lès-Sarreguemines (Moselle) se dit «amer» de voir Jean Rottner quitter ses fonctions «18 mois seulement après son élection», pour un mandat qui courait normalement jusqu'en 2028. «Je pense que quand on a un engagement politique, on le mène jusqu'au bout, on ne trompe pas les électeurs».
Le 13 janvier prochain, le Conseil régional élira son nouveau président: Franck Leroy (Horizons), maire d'Epernay (Marne) et membre du groupe majoritaire, fait figure de favori.
«C'est un problème», a estimé de son côté Laurent Jacobelli (Rassemblement national). «Les gens votent mais ne sont pas sûrs du président et de la politique qu'ils auront», pointant le fait que Jean Rottner et Franck Leroy ne sont pas issus du même parti.
«Jean Rottner était dans un position d'opposition à Emmanuel Macron, et on va se retrouver avec un Franck Leroy pro-macroniste. Tout ceci laisse un sentiment brouillon, un sentiment d'opportunisme permanent qui pose problème dans une région qui a toujours du mal à se définir».
Sollicitée par l'AFP, Valérie Debord (LR), cheffe du groupe majoritaire au conseil régional, n'a pas souhaité réagir sur ces aspects. «Je suis ravie pour lui (Jean Rottner), et je lui souhaite beaucoup de réussite», a-t-elle simplement déclaré.
Jean Rottner, 55 ans, ex-médecin urgentiste, avait succédé en 2017 à Philippe Richert, lui-même démissionnaire. Il était également devenu maire de Mulhouse en 2010, après la démission de Jean-Marie Bockel.