Épinglé pour un coup de pouce aux finances privées de Boris Johnson, le président de la BBC Richard Sharp a annoncé vendredi sa démission, une nouvelle turbulence pour le géant audiovisuel public dont l'impartialité est régulièrement mise en cause.
Le président de la BBC Richard Sharp lors d'une audition devant une commission du numérique, de la culture, des médias et du sport, le 7 février 2023 à Londres
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak sort du 10 Downing Street, le 26 avril 2023 à Londres
L'entrée du siège de la BBC, le 28 avril 2023 à Londres
Le président de la BBC démissionne après une affaire de conflit d'intérêts - Gallery
Le président de la BBC Richard Sharp lors d'une audition devant une commission du numérique, de la culture, des médias et du sport, le 7 février 2023 à Londres
Le Premier ministre britannique Rishi Sunak sort du 10 Downing Street, le 26 avril 2023 à Londres
L'entrée du siège de la BBC, le 28 avril 2023 à Londres
Ancien banquier, autrefois patron de l'actuel Premier ministre Rishi Sunak quand il était chez Goldman Sachs, Richard Sharp, 67 ans, avait été nommé en 2021, sur recommandation de Boris Johnson, alors chef du gouvernement.
Peu de temps auparavant, il avait joué les entremetteurs pour aider le même Boris Johnson à obtenir une garantie pour un prêt de 800.000 livres sterling (906.000 euros).
Un rapport d'enquête indépendant publié vendredi a conclu à une violation des règles sur les nominations publiques.
Le texte estime qu'en omettant de déclarer le rôle qui avait été le sien dans l'obtention par Boris Johnson d'une garantie pour le prêt, Richard Sharp avait risqué de donner l'impression qu'il n'était pas indépendant vis-à-vis de celui qui était alors Premier ministre.
Il estime aussi qu'il risquait de donner l'impression d'influencer Boris Johnson pour obtenir son soutien, en l'avertissant de sa candidature à la présidence de la BBC avant de la soumettre formellement.
«Par inadvertance»
Le rapport «conclut que j'ai enfreint le code de gouvernance pour les nominations publiques», mais que cette violation «n'invalide pas nécessairement la nomination», a expliqué Richard Sharp en annonçant sa démission.
Invoquant une violation «par inadvertance», il fait valoir qu'il veut faire passer en premier «les intérêts de la BBC», estimant que cette affaire pourrait représenter une «distraction» par rapport au «bon travail» du géant de l'audiovisuel britannique.
Sa démission sera effective à la fin du mois de juin.
Dans une lettre à Richard Sharp, la ministre de la Culture Lucy Frazer a dit «comprendre et respecter» sa décision, le remerciant pour son travail à la présidence de la BBC, dont l'impartialité fait régulièrement débat.
Au coeur d'une vive polémique en début d'année, brièvement suspendu pour avoir comparé la rhétorique du gouvernement sur les réfugiés à celle de l'Allemagne nazie des années 1930, le présentateur Gary Lineker a estimé que le président de la BBC ne devrait jamais être choisi par le gouvernement. «Ni maintenant, ni jamais», a-t-il tweeté.
Principale formation d'opposition, le parti travailliste a aussi appelé à un «processus véritablement indépendant» pour désigner le futur président de la BBC.
Richard Sharp «aurait dû déclarer qu'il avait cette relation financière trouble avec le Premier ministre de l'époque», a déclaré Lucy Powell, responsable des questions de Culture au sein du parti travailliste, insistant sur les «dégâts indicibles» de cette affaire sur l'image de la BBC.
Gel de la redevance
Le chef des Libéraux-démocrates Ed Davey a quant à lui appelé à un «processus rigoureux, transparent et indépendant», plaidant même pour un vote de la commission parlementaire chargée des médias.
Le Premier ministre Rishi Sunak a refusé de s'engager sur une nomination apolitique pour le successeur de Richard Sharp.
Institution incontournable du paysage audiovisuel britannique, la BBC a fêté à l'automne dernier son centenaire en plein doute, tourmentée par la concurrence des plateformes payantes et les menaces qui planent sur son financement public.
La BBC s'est aussi retrouvée ces dernières années sous le feu des critiques des conservateurs au pouvoir, l'accusant de couverture biaisée, notamment sur le Brexit, et d'être centrée sur les préoccupations des élites urbaines plutôt que des classes populaires.
Le gouvernement --alors dirigé par Boris Johnson-- a gelé début 2022 pour deux ans la redevance (159 livres, soit 180 euros par an), alors que l'inflation met les finances des ménages à rude épreuve. Il avait aussi évoqué sa suppression à terme, une menace controversée jusque dans les rangs conservateurs.
Sous pression budgétaire, le groupe a annoncé en mai un plan visant à faire 500 millions de livres (586 millions d'euros) d'économies par an. Un millier d'emplois (sur un total d'environ 22.000 employés) sont supprimés, des chaines sont fusionnées et d'autres passent exclusivement en ligne.