«Ah c'est ce samedi?»Les Australiens très peu concernés par le couronnement
clsi, ats
30.4.2023 - 09:51
L'enthousiasme est tout relatif en Australie à quelques jours du couronnement du roi Charles III qui se tiendra à Londres le 6 mai. Jeunes et anciennes générations se distancient de la royauté dans le pays continent, où un projet de république semble encore lointain.
Keystone-SDA, clsi, ats
30.04.2023, 09:51
ATS
«Ah c'est ce samedi?» Alors que la cérémonie promet d'attirer les foules à Londres, en Australie, où le couronnement sera retransmis à la télévision sans qu'un jour férié n'ait été décrété, l'engouement ne semble pas au rendez-vous.
«C'est juste un jour normal pour moi, réagit Andrew, 50 ans, responsable d'une boutique spécialisée dans le vin. Je ne sais même pas quel jour exactement ça aura lieu». «Cet événement ne m'affecte absolument pas dans ma vie de tous les jours», abonde Harrison, un étudiant âgé de 20 ans, ne cachant pas sa surprise au moment d'aborder le sujet.
La plupart des Australiens n'ont pas la moindre idée de l'objectif du couronnement en tant que cérémonie, explique Luke Mansillo, doctorant au département de relations gouvernementales et internationales de l'Université de Sydney. «Au fil du temps, ils ont perdu le sens explicite de leur appartenance à la Grande-Bretagne en termes de culture et de vision du monde», poursuit-il.
Confiance perdue
L'Australie, pays membre du Commonwealth qui a officiellement pour chef d'Etat le roi Charles III, s'est distancé de la monarchie au cours du 20e siècle. «Nous avons notre propre hymne et notre propre passeport», donne en exemple Angela Woollacott, professeure d'histoire à l'Université nationale australienne. La banque centrale a en outre dernièrement décidé de faire disparaître les souverains britanniques des billets de banque.
Mais si les Australiens semblent de moins en moins connectés à la famille royale, cela n'indique pas nécessairement qu'ils veulent renoncer à la forme de gouvernement qu'offre la monarchie. «La politique n'est pas liée à la royauté, explique le jeune étudiant Harrison. Je suis satisfait du système actuel».
De nombreuses personnes craignent qu'en renonçant à la monarchie en faveur d'une république, le chef d'Etat ne prenne trop de pouvoirs, commente Angela Woollacott. D'autant que la confiance de la population dans l'élite politique a été passablement égratignée ces dernières années. Le prédécesseur du Premier ministre Anthony Albanese, Scott Morrison, a récemment suscité l'indignation alors qu'on apprenait qu'il s'était discrètement octroyé les pouvoirs de plusieurs ministères lorsqu'il était en fonction.
Pas une priorité
Le projet de république, grand thème dans les années 1990 qui a débouché sur un échec à l'issue d'un vote populaire en 1999, a été ravivé avec l'arrivée d'Anthony Albanese, fervent républicain, au gouvernement. Il avait suggéré qu'un référendum pourrait être organisé, nommant rapidement un ministre «délégué pour la République» du pays.
Et au moment du décès d'Elizabeth II en septembre, plusieurs voix s'étaient élevées pour accélérer le projet. Mais le Premier ministre travailliste avait calmé le jeu, affirmant que la République n'était pas une priorité. Il veut d'abord se concentrer sur un projet de référendum visant à donner aux populations indigènes le droit d'être consultées par les députés sur les questions qui les concernent.
Le gouvernement d'Anthony Albanese ne devrait empoigner le sujet qu'au cours de son second ou troisième mandat, après 2025, selon les experts. Quant aux chances que le pays aura le moment venu d'obtenir la double majorité nécessaire pour devenir une république, les avis sont mitigés.
«République mal pensée»
Les forces pour porter le projet sont meilleures aujourd'hui que dans les années 1990, juge Angela Woollacott. Mais l'intérêt pour ce thème dans l'opinion publique a été en dents de scie, la pandémie de coronavirus, l'inflation et la crise du logement prenant le dessus.
Luke Mansillo, de l'Université de Sydney, craint pour sa part que le gouvernement d'Albanese ne fasse pression en faveur d'une république mal pensée qui aura tendance à diviser ses partisans. «Le mouvement républicain australien a paresseusement réclamé une république au moment opportun, lors du décès de la reine, sans réellement se demander quel type de république nous devrions avoir et en occultant les populations indigènes», explique-t-il.
Une fois Charles III couronné, le débat sur une république pourrait toutefois reprendre, selon Angela Woollacott. La population n'a pas la même affection pour le roi que pour Elizabeth II et apprécie peu la reine consoeur Camilla, estime-t-elle. «Les gens vont commencer à questionner le lien qu'ils ont avec la Grande-Bretagne lorsque la nouveauté de la cérémonie sera passée».