«Là, la pulsion se manifestait...» Les aveux glaçants du «prédateur des bois»

AFP

6.2.2024

Plus de vingt-cinq ans après son premier viol, Bruno L., surnommé «le prédateur des bois», est passé aux aveux, mais son mode opératoire reste à éclaircir: après de longues heures d'interrogatoire devant le juge d'instruction, il a difficilement reconnu avoir «prémédité» ses actes.

Après de longues heures d'interrogatoire, Bruno L. a reconnu avoir «prémédité» ses actes (image d’illustration).
Après de longues heures d'interrogatoire, Bruno L. a reconnu avoir «prémédité» ses actes (image d’illustration).
IMAGO/Photo News

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Entre 1998 et 2008, cet homme aujourd'hui âgé de 64 ans est soupçonné d'avoir enlevé cinq adolescentes, les emmenant en voiture en forêt pour les violer avant de les abandonner «quasiment nues», selon des documents d'enquête.

Le 29 septembre 2023, le juge d'instruction chargé des investigations l'a interrogé pendant toute une journée sur ses «stratégies» pour «diminuer le risque d'être pris»: les «repérages préalables» pour conduire jusqu'à une «zone désertique», effrayer la victime en la menaçant avec un couteau, en lui demandant sa carte d'identité...

«Je n'ai fait aucun repérage», a affirmé le suspect, d'après son interrogatoire dont l'AFP a eu connaissance. «Je partais me promener», puis «je rencontrais (...) une personne toute seule», et «là, la pulsion se manifestait».

Cannabis

«Ce n'était pas le mal d'amour ou le manque sexuel qui m'a fait faire ça», a-t-il tenu à préciser. «C'est quand je m'arrête pour demander une direction, c'est là que tout commence.»

«Ne pensez-vous pas que vous avez créé les conditions pour que ces pulsions surviennent ?», le relance le magistrat. Après maintes dénégations, le suspect finit par lâcher: «Oui, je déclenchais la pulsion en faisant cette recherche, cette promenade...»

Lorsque vous croisez les victimes, vous êtes plus ou moins dans l'idée de les agresser, est-on d'accord ? «Tout à fait.» Nous sommes donc d'accord pour dire que ce sont des passages à l'acte prémédités, préparés ? «Oui.»

Le suspect précise avoir agi sous l'emprise du cannabis, fumant «entre 10 et 15 pétards par jour». Contactée par l'AFP, son avocate, Emma Lesigne, n'a pas souhaité commenter.

«Fortement incestueux»

Quatre viols sont évoqués en un an et demi. «Ca donne l'impression que j'étais +en chasse+ tout le temps, c'est faux», a voulu nuancer Bruno L., «c'était occasionnel comme ça, ce n'était pas maladif, ce n'était pas (...) un besoin crucial».

Huit ans séparent le quatrième viol du cinquième. D'autres victimes ont-elles pu être agressées ? Non, a assuré le suspect, justifiant cette période sans crime par son quotidien rempli. «J'étais en plein dans mon travail, j'avais des responsabilités. J'étais sur des sites de sorties et de rencontre.»

Le juge d'instruction creuse également dans son enfance, décrivant un «contexte familial fortement incestueux». A  l'instar d'une de ses soeurs, Bruno L. accuse son grand frère de l'avoir agressé sexuellement quand il avait huit ans. Mais l'intéressé nie.

Bruno L. est aussi accusé par une autre soeur de l'avoir agressée quand il avait 19 ans, alors qu'elle était jeune adolescente. Ce qu'il dément catégoriquement.

«Ce que j'ai subi, je ne l'ai pas fait subir à mon travail, chez mes amis, sur les enfants de mes amis», affirme-t-il. «Sur les crimes que j'ai commis, oui, voilà je reconnais» mais «là, non».

«Cold cases»

Le «prédateur des bois» a marqué l'histoire des «cold cases» en France: c'est la première affaire à avoir été résolue grâce à la généalogie génétique, qui a mené les enquêteurs sur la piste de ce retraité vivant en Seine-et-Marne jusqu'à son incarcération le 13 décembre 2022, une vingtaine d'années après son premier viol.

Cette technique inédite, venue des Etats-Unis, permet de comparer une trace génétique inconnue avec les bases de données américaines, notamment les millions d'ADN cédés volontairement à des sites proposant des tests généalogiques récréatifs - illégaux en France - par des personnes curieuses de leurs origines.

La défense de Bruno L. n'a pas tenté de faire tomber la procédure pour une nullité de cette technique. «C'est important d'aller au tribunal», a déclaré en septembre Bruno L. au juge d'instruction. «Je ne sais pas si c'est un comportement normal, mais je suis pressé d'entendre les victimes, les voir en face, de pouvoir vraiment m'excuser, c'est vraiment viscéral».