GenèveLes quatre membres de la richissime famille Hinduja iront en prison
mf, ats
21.6.2024 - 17:48
Quatre membres de la famille Hinduja - une des plus puissantes d'Inde et du Royaume-Uni - ont été acquittés vendredi de traite d'êtres humains par un tribunal genevois mais condamnés à de lourdes peines de prison pour avoir exploité le personnel indien de leur villa.
Keystone-SDA, mf, ats
21.06.2024, 17:48
21.06.2024, 18:59
ATS
Les avocats ont d'ores et déjà indiqué que leurs clients, qui n'étaient pas présents pour le verdict, allaient faire appel.
Malgré un accord à l'amiable et secret passé en cours de procès avec les trois employés qui les poursuivaient, la justice genevoise n'a pas lâché l'affaire et a décidé de poursuivre les quatre membres de cette famille, qui ont tous la nationalité suisse.
Le père, Prakash Hinduja (78 ans), et son épouse Kamal (75 ans) ont été condamnés à des peines de prison de 4 ans et 6 mois, tandis leur fils Ajay (56 ans) et leur belle-fille Namrata (50 ans) sont condamnés à des peines de prison de 4 ans, a indiqué la présidente du tribunal à Genève, Sabina Mascotto, en l'absence des quatre prévenus.
«Mobiles égoïstes» et motivés «par l'appât du gain»
La présidente n'a pas mâché ses mots à leur égard : «Les mobiles des prévenus sont égoïstes» et ils étaient motivés «par l'appât du gain». Elle a ajouté que leur collaboration avait été «mauvaise».
Le père et la mère étaient absents depuis le début du procès pour des raisons de santé.
Les peines sont similaires à celles requises par le premier procureur Yves Bertossa, qui a immédiatement requis la mise en détention du fils et de la belle-fille, faisant valoir des risques de fuite.
La défense a expliqué qu'il n'y avait pas de risque de fuite, mais qu'ils étaient allés à Monaco rejoindre Kamal Hinduja à l'hôpital, où elle est en «soins intensifs».
«Disproportion économique» entre le salaire et le travail
Pendant le procès, deux visions se sont opposées frontalement sur les agissements de cette famille, classée plus riche du Royaume-Uni par le Sunday Times cette année à 37 milliards de livres (48 milliards d'euros). Forbes estime leur fortune à 20 milliards de dollars.
Le conglomérat Hinduja est présent dans 38 pays et emploie quelque 200.000 personnes.
Dans son réquisitoire, Yves Bertossa avait accusé cette famille d'avoir dépensé «davantage pour le chien que pour les employés domestiques».
Le salaire du personnel domestique indien de leur villa aux alentours de Genève se situait entre 220 (230 euros) et 400 francs par mois, ce qui est très en-dessous de ce que peut espérer gagner un employé de maison en Suisse.
«Il y avait donc une disproportion évidente économique» entre le salaire et le travail qu'ils effectuaient, a souligné la présidente du tribunal vendredi.
Selon le tribunal, leur salaire était de 80 à 90% inférieur à ce qu'il aurait dû être, ce qui explique notamment la condamnation pour «usure».
«L'inexpérience des employés a été exploitée, ceux-ci étaient peu scolarisés, voire par du tout, n'avaient aucune connaissance de leurs droits», a-t-elle dit.
«Situation de faiblesse»
Ils ont tout simplement exploité «la situation de faiblesse de leurs employés» indiens, alors que leurs employés ayant d'autres nationalités ne recevaient pas ce même traitement.
«Les quatre prévenus Hinduja connaissaient la situation de faiblesse de leurs employés et connaissaient la législation en Suisse. Ils sont tous de nationalité suisse», a également relevé la présidente du tribunal, soulignant que cela «aggravait» leur faute.
Pendant le procès, la défense a relevé des failles dans l'accusation qui a notamment passé sous silence des paiements en nature en plus des salaires en espèces.
Il y a eu des billets d'avion payés, de la nourriture végétarienne à disposition en suffisance, des produits sanitaires fournis ou des frais médicaux payés, selon elle.
Selon la défense, les trois plaignants n'étaient pas isolés et pouvaient sortir de la villa.
«Aucun employé n'a été trompé sur le salaire», avait également souligné Me Robert Assaël.
«Nous n'avons pas affaire à des esclaves maltraités», avait renchéri Me Nicolas Jeandin.
La défense s'en est prise au comportement du Ministère public, l'accusant d'avoir voulu «se faire les Hinduja».
Le dossier, selon elle, se résume à une affaire de rémunération. «Il s'agit d'un problème civil» qui a pu être réglé grâce «à une convention» conclue entre les parties.