Les Kurdes de Syrie ont appelé lundi à la création d'un tribunal international spécial pour juger les crimes commis par le groupe Etat islamique (EI) durant les plus de quatre ans de son «califat». Cette instance devrait être basée dans le nord-est du pays.
L'organisation djihadiste est accusée d'avoir commis de nombreux crimes – exécutions de masse, viols, enlèvements, attentats – sur les territoires qu'elle a contrôlés en Syrie et en Irak de 2014 à 2019. Elle a aussi revendiqué des attaques meurtrières sur d'autres continents.
Le dernier réduit de ce proto-Etat est tombé samedi, quand une alliance arabo-kurde, les Forces démocratiques syriennes (FDS), ont conquis le dernier lambeau du «califat» à Baghouz dans l'est de la Syrie, avec l'aide d'une coalition internationale menée par les Etats-Unis.
A l'issue de cette ultime bataille, les FDS ont indiqué avoir arrêté plus de 5000 combattants djihadistes qui sont désormais détenus dans les prisons de l'administration autonome de facto établie par les Kurdes dans les régions sous leur contrôle (nord-est). Il y en a un millier d'étrangers, a précisé à l'AFP le chargé des Affaires étrangères au sein de cette administration, Abdel Karim Omar.
Rapatriements refusés
Après avoir appelé en vain les pays d'origine à les rapatrier, les autorités kurdes semblent avoir changé de stratégie. «Nous appelons la communauté internationale à établir un tribunal international spécial dans le nord-est de la Syrie» pour juger les djihadistes, ont déclaré les FDS et l'administration autonome.
Les djihadistes «doivent être jugés dans le pays où les crimes ont été commis», ont-elles affirmé dans un communiqué commun. Les FDS et l'administration autonome ont explicitement regretté que, malgré leurs appels répétés, de nombreux pays n'aient pas répondu à leurs demandes de rapatrier leurs ressortissants djihadistes. «Aucune initiative n'a été prise à cet égard», ont-elles déploré.
Le Conseil fédéral avait affirmé le 8 mars que les djihadistes suisses doivent être punis si c'est possible dans le pays où ils ont commis leur acte. La Confédération ne procédera pas activement au rapatriement de ces personnes.
«Procès équitables»
Selon les autorités kurdes, la création d'un tribunal spécial permettra «que les procès soient conduits de manière équitable et en respectant le droit international et les droits humains».
En Irak, où s'étendait également le «califat» de l'EI jusqu'à fin 2017, plus de 600 personnes – dont de nombreux étrangers – ont déjà été condamnées à mort ou à la perpétuité pour avoir rejoint l'EI. Les ONG de défense des droits humains dénoncent des procès «expéditifs» et des «aveux» obtenus après de «possibles tortures».
Plus de 9000 étrangers
Les Kurdes ont aussi tiré la sonnette d'alarme au sujet des dizaines de milliers de déplacés entassés dans le camp d'Al-Hol (nord-est), qui a connu un énorme afflux depuis décembre et l'assaut final contre les djihadistes à Baghouz.
«Les réfugiés et les déplacés souffrent de conditions extrêmement difficiles et pénibles qui violent les droits humains», selon l'administration kurde, qui a critiqué «l'efficacité faiblissante des agences de l'ONU pourtant responsables» des soins aux personnes vivant là.
Plus de 9000 femmes et enfants étrangers proches de djihadistes se trouvent dans ce camp, a indiqué le porte-parole des autorités kurdes, Luqman Ahmi, en précisant que ce chiffre datait d'il y a une semaine. Les enfants étrangers étaient plus de 6500, a-t-il dit sans préciser leur nationalité.
Plus de 70'000 personnes s'entassent au total dans «des conditions extrêmement critiques» à Al-Hol, a souligné une porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM) en Syrie. Selon l'Unicef, le camp a été conçu pour accueillir un maximum de 20'000 personnes.
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