Famille recluse aux Pays-Bas L’horrible règne de la terreur de l’«Elu»

dpa/toko

8.2.2020

L’affaire a suscité l’émoi dans le monde entier: des policiers recherchent des indices dans la ferme isolée où une famille a vécu recluse pendant plusieurs années.
L’affaire a suscité l’émoi dans le monde entier: des policiers recherchent des indices dans la ferme isolée où une famille a vécu recluse pendant plusieurs années.
Bild: Vincent Jannink/ANP/dpa (image d'archives)

Pendant plusieurs années, un père de famille a vécu reclus avec six de ses enfants à Ruinerwold, aux Pays-Bas. Que s’est-il passé dans cette ferme? Le journal intime du père et les témoignages des enfants dévoilent un enfer.

Pour Josef B., il s’agit purement et simplement d’une «chasse aux sorcières». Cet Autrichien de 58 ans à la barbe grise se considère en réalité comme une victime. «Si un homme croit en Dieu, n’est-ce pas sa propre décision?» Ainsi, s’est-il demandé, que fait-il ici, sur le banc des accusés du tribunal d’Assen, à l’extrême nord-est des Pays-Bas?

Le Dieu auquel Joseph B. a fait référence ce mardi s’appelle Gerrit Jan van D.. Il s’agit du Néerlandais de 67 ans accusé d’avoir détenu et maltraité six de ses enfants dans une ferme pendant neuf ans, ce dont personne n’aurait été au courant.

Du point de vue du parquet, il est clair que les deux hommes sont coupables de séquestration. Josef B. a joué un rôle clé dans l’horrible affaire de Ruinerwold, qui a fait la une des journaux du monde entier. L’homme louait la ferme isolée où la famille a été découverte en octobre. Il finançait la famille et subvenait à ses besoins. Il aurait retiré entre 5000 et 8000 euros (entre 5400 et 8600 francs environ) par mois sur un compte bancaire autrichien.

Josef B., qui s’est décrit comme un «disciple» du Hollandais au cours de son interrogatoire, croit encore aujourd’hui à la religion que ce dernier a bâtie. Gerrit Jan van D. l’avait diffusée au cours des dernières années avec des dizaines de vidéos et de publications sur Internet. Sous le nom de «John Eagle», il prônait une vie saine en harmonie avec la nature, loin du monde extérieur «impur». Il se faisait appeler «l’Elu».

Photo de la ferme isolée prise par un drone.
Photo de la ferme isolée prise par un drone.
Wilbert Bijzitter/ANP/dpa

Cela semble quelque peu bizarre et coupé du réel, mais c’était une cruelle réalité. De nombreuses questions sont encore en suspens dans cette affaire. Mais les détails donnés par le journal intime du père et les témoignages des enfants, que la procureure Diana Roggen vient seulement d’appeler pour la première fois, font froid dans le dos.

Le père aurait mis en place un système de pression psychologique et de violence brutale qui lui a permis de garder le pouvoir sur ses enfants. Par exemple, à l’âge de 12 ans, un des enfants a dû vivre dans une niche pendant plusieurs mois, à l’écart du reste de la famille. Son père l’avait jugé «impur».

Les enfants ont confirmé avoir été maltraités. Ils étaient privés de nourriture pendant plusieurs jours ou pris à la gorge. «Le père décidait quand un enfant avait un "mauvais esprit" en lui.» Une punition s’ensuivait: ils étaient isolés, souvent pendant des mois. Des scènes tirées de films abordant le fanatisme religieux nous viennent automatiquement en tête.

«Les enfants ne vivaient que selon la volonté du père»

En théorie, les enfants, aujourd’hui âgés de 18 à 25 ans, auraient pu quitter la ferme. «Mais parfois, il n’est pas nécessaire de mettre un verrou sur la porte, a indiqué la procureure. Le système de pression psychologique, de peur et de violence était un verrou suffisamment solide.»

«Les enfants ne vivaient que selon la volonté du père», a déclaré la procureure, qui a cité des témoignages des enfants: «Je n’osais rien dire. J’endurais simplement. Ce qu’il disait, c’était la vérité.» On ne sait pas vraiment ce que les enfants pensent de leur père aujourd’hui. Il bénéficierait encore au moins du soutien des plus jeunes.

Le père n’a toujours pas été interrogé

Le père, paralysé à la suite d’un AVC, n’a pas encore pu être interrogé. Et il n’est pas certain que cela soit possible un jour. Mais dans son journal, il a décrit et justifié les châtiments qu’il a infligés et même les viols de deux de ses enfants plus âgés – un garçon et une fille –: ils étaient selon lui possédés par des «mauvais esprits». Cependant, selon le témoignage d’une des victimes, lui-même semblait également savoir que ce n’était pas normal. En tout cas, il se contentait toujours de fermer la porte avant d’agresser ses propres enfants.

Il est d’ores et déjà évident que le règne de la terreur imposé par le père a commencé bien avant l’emménagement dans la ferme de Ruinerwold. Et certainement avant la mort de la mère en 2004. Ainsi, les trois aînés n’ont jamais eu le droit de jouer avec d’autres enfants et ne pouvaient dire à personne qu’ils avaient six frères et sœurs plus jeunes qu’eux.

Ces six enfants n’avaient jamais été déclarés aux autorités et n’étaient jamais allés à l’école ou chez le médecin. Ils ne connaissaient que le monde créé par leur père. Compte tenu des circonstances, ces derniers se portent bien aujourd’hui, indique le parquet. Mais qu’est-ce que cela signifie? Seront-ils un jour capables de digérer cette enfance et cette jeunesse et de mener une vie en toute liberté, sans peur?

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