«L'opéra est né en Italie» L'Italie convoite la reconnaissance de l'Unesco

ATS

17.5.2022 - 11:02

De Scarlatti à Verdi, les grands airs d'opéra italiens sont chantés dans le monde entier, même si c'est bien dans l'écrin de la péninsule qu'est né et que s'est épanoui cet art lyrique aujourd'hui candidat au patrimoine de l'Unesco.

L'intérieur de la Scala de Milan à l'ouverture de la saison 2021/2022 des opéras.
L'intérieur de la Scala de Milan à l'ouverture de la saison 2021/2022 des opéras.
KEYSTONE

17.5.2022 - 11:02

«L'opéra est né en Italie», rappelle le Français Stéphane Lissner, directeur depuis 2020 du Théâtre San Carlo de Naples, inauguré en 1737 et à ce titre le plus ancien opéra du monde.

Après diverses expériences de théâtre musical au XVIe siècle, l'opéra voit finalement le jour vers 1600 à Florence, où est fondée une académie promouvant une association innovatrice du texte chanté et de la musique.

Le premier grand compositeur d'opéras est aussi italien: Claudio Monteverdi (1567-1643). Et ce n'est qu'un début.

«Si vous regardez l'histoire de l'opéra au XVIIIe siècle, il y a eu 400 créations pendant ce siècle» rien qu'à Naples, alors capitale d'un royaume dirigé par les Bourbons, s'émerveille-t-il lors d'un entretien avec l'AFP sous les ors de la loge royale de «son» théâtre.

Emotions

Mais pourquoi l'opéra italien serait-il plus légitime à entrer au patrimoine immatériel de l'humanité que ses homologues français ou allemand? Pour M. Lissner, qui a aussi dirigé la prestigieuse Scala de Milan et l'Opéra de Paris, la réponse ne fait aucun doute: «la façon de chanter avec cette langue italienne provoque incontestablement, qu'on soit d'accord ou pas, la plus grande émotion chez les amateurs d'opéra».

Cet état d'esprit se reflète d'ailleurs dans l'architecture aux proportions parfaites du San Carlo, loin de la grandiloquence très Second-Empire de l'Opéra-Garnier à Paris. La grande salle, véritable coeur battant de Naples, exhale un parfum d'intimité sensuelle: fauteuils de velours rouge, lumières chatoyantes, dorures raffinées, loges ornées de miroirs...

Dans sa loge au San Carlo, le baryton italien Gabriele Viviani interrompt ses vocalises avant une représentation de «Tosca» de Puccini pour défendre les couleurs de son pays: «Sans vouloir enlever quoi que ce soit aux compositeurs français, allemands (...) je pense que le chant italien a ce petit truc en plus qu'est la sensibilité dans l'expression des émotions».

Quelques minutes plus tard, le public se presse dans le foyer avant de prendre place pour le coup d'envoi du spectacle.

Verdi à Odessa

Dans la foule, une élégantissime spectatrice en kimono concentre les regards: Sumiko, une Japonaise entre deux âges qui vit à New York, est venue spécialement à Naples pour ce spectacle. La candidature de l'opéra italien à l'Unesco l'enthousiasme: «Les émotions que ces compositeurs nous transmettent sont universelles, cela va au-delà de l'Histoire et des frontières».

Pour le ministre de la Culture Dario Franceschini, avec cette candidature décidée fin mars et qui sera examinée par l'Unesco en fin d'année, «l'Italie vise à faire reconnaître l'une de ses expressions culturelles les plus authentiques et originales».

Le ministre n'avait alors pas manqué d'évoquer les images poignantes venues d'Ukraine montrant le choeur de l'opéra d'Odessa dans la rue sous le drapeau ukrainien et entonnant le 13 mars le célèbre air «Va, pensiero», extrait de «Nabucco» de Verdi. Il y avait vu «une preuve de plus que le chant lyrique italien fait partie intégrante du patrimoine culturel de l'Humanité, qui y recourt dans les heures les plus sombres pour retrouver lumière, force et beauté».

Le «Va, pensiero», qui fut aussi l'hymne des patriotes italiens sous le joug autrichien au XIXe siècle, illustre bien l'adhésion populaire à cette forme d'art: «Au XIXe siècle quand vous arriviez dans n'importe quelle ville italienne l'ensemble de la population chantait des airs d'opéra, c'était normal!» observe Stéphane Lissner.

«L'Italie est à part, les théâtres italiens sont à part (...) et si vous allez dans les villages, je ne parle même pas de villes, vous trouvez des petits théâtres!» La péninsule compte en effet pas moins d'une soixantaine d'opéras, un record mondial.

Le ténor Luciano Pavarotti (1935-2007) illustre aussi parfaitement la relation charnelle de l'Italie avec son opéra: de son vivant, ce géant était vénéré comme une véritable rock-star, au même titre que des chanteurs de musique populaire.

Ici, la musique lyrique «n'est pas seulement réservée à l'élite», souligne M. Lissner, regrettant toutefois que l'opéra ait «délaissé le public populaire, qui n'est plus en mesure de payer certains prix de places».

Une tendance que le San Carlo tente d'ailleurs enrayer en réservant des places à prix réduit pour le jeune public.

ATS