Asile Norbert Valley acquitté par le tribunal

ATS

12.3.2020 - 14:38

Le Tribunal de La Chaux-de-Fonds a acquitté jeudi le pasteur évangélique Norbert Valley, condamné par ordonnance pénale pour avoir aidé un requérant d'asile. Le juge a utilisé sa marge d'interprétation concernant la loi sur les étrangers.

L'enjeu de l'audience tenue devant le Tribunal régional des Montagnes et du Val-de-Ruz tournait autour de la notion de «délit de solidarité». Norbert Valley a comparu après avoir fait opposition à l'ordonnance pénale le condamnant «pour avoir facilité le séjour illégal» d'un requérant d'asile togolais dont la demande avait été refusée.

La peine du pasteur âgé de 65 ans avait été fixée en août 2018 à 10 jours-amendes à 100 francs avec un sursis pendant deux ans et aux frais de la cause (250 francs). Les nombreux soutiens accourus ont laissé éclater leur joie, dans la salle puis sur la place de l'Hôtel de ville, une fois le verdict énoncé par le juge Alain Rufener.

Ce dernier a considéré que Norbert Valley n'avait fourni qu'une aide ponctuelle et discontinue. Celle-ci a consisté entre 2016 et 2017 en un hébergement occasionnel et un apport en nourriture via le frigo d'une église locloise. Le juge a mis les frais à la charge de l'Etat de Neuchâtel et accordé 3900 francs au pasteur pour sa défense.

Auparavant, la défense a plaidé l'acquittement, déplorant au passage l'absence du Ministère public. Le premier avocat du prévenu, Daniel Hirschi-Duckert, s'est basé sur un arrêt du Tribunal fédéral considérant que la mise à disposition d'un logement pour quelques jours n'était pas de nature à entraver l'action administrative.

«Pasteur pas passeur»

L'autre avocat, Olivier Bigler, s'est interrogé sur «quelle société nous voulons». «Si nous condamnons Norbert Valley, nous allons vers une société d'apartheid». «La condamnation est illégale par rapport à un pasteur qui a agi par rapport à sa liberté de conscience», soulignant que le procès avait une composante religieuse.

Avant l'audience, des chants de la communauté de Norbert Valley avaient ainsi retenti dans les couloirs du tribunal. Olivier Bigler a insisté sur la condition d'être humain qui oblige à aider, se référant aux propos initiaux tenus par le pasteur devant le juge. «Le sanctionner ne changera rien à la politique migratoire.»

«Norbert Valley est un pasteur et non un passeur», a imagé l'avocat. Prenant encore la parole après la plaidoirie à deux voix, qu'Alain Rufener a estimé un peu ambiguë, le pasteur évangélique a conclu en appelant «la Suisse à retrouver un peu d'humanité» et à ne pas «considérer un mal pour un bien».

Claude Ruey à la barre

Claude Ruey figurait parmi les six témoins appelés à la barre, pour avoir connu Norbert Valley à Gland (VD). L'ex-conseiller national (PLR/VD) et conseiller d'Etat vaudois est venu soutenir le pasteur, en tant qu'ancien magistrat ayant traité d'asile. Il a aussi présidé du Conseil de fondation de l'Entraide protestante suisse.

Le Vaudois a déploré la révision de l'article 116 de la loi sur les étrangers, en 2006 sous l'ère Christoph Blocher, avec la suppression d'un bout de phrase à l'origine du délit de solidarité. Selon lui, Norbert Valley a agi pour des motifs «honorables», notant que le tribunal avait à appliquer une loi qui devrait être modifiée.

Le premier témoin présidait le culte quand la police est venue arrêter Norbert Valley en février 2018 au Locle (NE). Au courant de l'aide apportée, sans la cacher, par le pasteur à un requérant d'asile, il a décrit son incompréhension devant l’épisode qui a précédé le départ de Norbert Valley avec les deux policiers.

Aide désintéressée

Un autre témoin, actif dans la défense des réfugiés à Vallorbe (VD), a décrit l’attitude de Norbert Valley comme normale pour un pasteur, avec son engagement public. Ce témoin, une femme, a vanté ses qualités d’entregent et de détermination pour le côtoyer depuis 20 ans au sein de la Fédération romande des églises évangéliques.

Pierre Bühler, professeur de théologie à l'Université de Neuchâtel à la retraite, a dit pour sa part n'avoir pas hésité à témoigner en faveur de Norbert Valley. «Le chrétien doit sonder sa conscience avant de respecter la loi. Il y a là un espace, une part de liberté pour s'engager en faveur d'une cause en lien avec une détresse.»

Le coronavirus s'est en outre invité à l'audience. Sa propagation en cours a obligé de limiter à 25 le nombre de spectateurs et à 12 le nombre des journalistes. Le juge Rufener a conseillé aux témoins Ruey et Bühler, âgés de plus de 70 ans, à ne pas demeurer dans la salle en raison de leur statut à risque pour la maladie.

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