La situation est «grave», mais «sous contrôle» après l'éruption du volcan Nyiragongo et l'évacuation de centaines de milliers d'habitants de Goma, a assuré samedi le président congolais Félix Tshisekedi. Celui-ci répondait aux critiques sur la gestion de la crise.
«La situation est certes grave, mais elle est contrôlée», a déclaré au cours d'une conférence de presse le président. Il a jugé qu'il «fallait absolument évacuer la ville», en référence à l'évacuation soudaine et chaotique de jeudi dernier, alors «qu'on ne sait toujours pas ce qu'il peut se passer».
«Il y a une coulée souterraine de lave qui peut surgir à tout moment n'importe où dans la ville», a-t-il rappelé, «déconseillant vivement de rentrer à Goma». «Nous avons un problème de déplacés, mais au moins sont-ils en vie, les faire revenir (dans les circonstances actuelles) serait très dangereux», a souligné le chef de l'Etat.
Evacuation sans organisation
Ces déplacés, estimés à environ 400'000 par le gouvernement, «ont fui dans plusieurs directions», et «il est difficile d'avoir leur nombre exact pour organiser une prise en charge efficace, voilà pourquoi il y a eu un temps qui s'est passé», a-t-il expliqué, alors que les critiques enflent dans le pays sur la gestion de l'éruption soudaine du 22 mai, et surtout l'évacuation de jeudi ordonnée sans aucune organisation apparente ou soutien logistique, malgré les promesses des autorités.
Beaucoup avaient déjà vu dans l'éruption du 22 mai une illustration des «faillites de l'Etat», «aucun dispositif d'alerte n'ayant fonctionné «, faute de budget notamment, et «d'une gestion au pifomètre», avait ainsi estimé le journal EcoNews, jugeant que «la population a eu l'impression d'avoir été abandonnée à son triste sort».
«Aucune aide»
Après l'éruption, le gouvernement a dépêché, à grands renforts de déclarations rassurantes, une grosse délégation ministérielle à Goma, lançant travaux, enchaînant promesses d'aide et visites de «réconfort» aux sinistrés.
Mais les conditions de l'évacuation de jeudi ont ravivé les critiques. «L'Etat a décidé l'évacuation de la population de #Goma et #Nyiragongo sans AUCUNE aide apportée», a ainsi fustigé sur twitter le collectif d'activistes Lucha.
«Mettre des véhicules à disposition lors de l'évacuation, c'est très difficile», a reconnu à ce propos le président Tshisekedi. «Aujourd'hui nous sommes en voie de pouvoir commencer à déployer de l'eau potable ainsi que des vivres» sur les sites où ils ont trouvé refuge, a-t-il néanmoins affirmé.
Appel aux dons
«Ces déplacés ne le sont que pour quelques temps, le plus grand travail sera à Goma, où il y a 5000 maisons détruites» par les coulées de lave, a-t-il anticipé, tout en promettant d'organiser des convois de retour. Il a par ailleurs lancé un «appel aux dons, même si «un budget sera dégagé», dont la gestion sera «transparente».
Ces déclarations interviennent quelques heures après une grosse bourde du gouvernement, qui a annoncé par erreur l'éruption d'un petit volcan voisin du Nyiragongo, faisant croire à une nouvelle catastrophe.
Plus de 60 séismes
Le Nyiragongo était entré en éruption sans aucun signe précurseur le 22 mai. Deux immenses coulées de lave s'étaient échappées des flancs du volcan. Au moins 34 personnes ont trouvé la mort, et entre 900 et 2500 habitations ont été détruites.
Selon un dernier rapport samedi de l'OVG, 61 tremblements de terre se sont produits au cours des dernières 24 heures, des séismes «cohérents avec la poursuite du mouvement du magma dans le système des fissures du Nyiragongo vers le lac Kivu». Ces séismes ont nettement ralenti depuis 48 heures.
Trois scénarios
L'OVG liste désormais trois scénarios principaux pour les jours à venir: «le magma reste sous terre sans éruption», avec ou sans la poursuite des secousses; ou les tremblements de terre se poursuivent et la lave réapparaît sur la terre ferme, possiblement dans les fissures qui fracturent le sol de la cité.
Une quatrième hypothèse catastrophe, celle d'un «glissement de terrain ou un grand tremblement de terre déstabilisant les eaux profondes du lac et provoquant l'émergence de gaz dissous», est désormais jugée «beaucoup moins probable», mais «ne peut être exclue».
Samedi, la capitale du Nord-Kivu, en grande partie vidée, a retrouvé néanmoins un semblant de calme et de normalité. Le gouvernement fait désormais face à une crise humanitaire d'ampleur, une de plus dans une région déjà meurtrie depuis trois décennies par les violences des groupes armés. P