Les demandes de retrait de contenus pédopornographiques et terroristes en ligne se sont multipliées de façon «impressionnante» l'an dernier, explique à l'AFP la magistrate qui contrôlera à partir de mardi l'action de la plateforme de signalement en ligne Pharos.
La plateforme de signalement en ligne Pharos sur un écran d'ordinateur en janvier 2018 à Lille
Les demandes de retrait de contenus pédopornographiques et terroristes en ligne se sont multipliées de façon "impressionnante" l'an dernier
Pédopornographie et terrorisme en ligne: les voyants s'affolent - Gallery
La plateforme de signalement en ligne Pharos sur un écran d'ordinateur en janvier 2018 à Lille
Les demandes de retrait de contenus pédopornographiques et terroristes en ligne se sont multipliées de façon "impressionnante" l'an dernier
Adressées aux sites où se trouvent ces contenus illicites, ces demandes sont faites par l'office composé de policiers et gendarmes qui gère Pharos. En 2021, elles ont presque triplé par rapport à 2020, passant de 50.000 à 133.000.
Une évolution liée notamment à la duplication d'images pédopornographiques sur de multiples serveurs afin d'assurer leur maintien en ligne, entraînant des demandes de retrait distinctes pour chacune d'elles.
«Ce qui est certain, c'est que c'est impressionnant», dit à l'AFP Laurence Pécaut-Rivolier, conseillère à la Cour de cassation et membre de l'Arcom, le gendarme de l'audiovisuel (ex-CSA).
A partir du 7 juin, c'est elle qui sera chargée de vérifier que les demandes de retrait ou de blocage de sites ne sont pas abusives.
Jusqu'à présent, cette fonction de «personnalité qualifiée» prévue par la loi était occupée par un membre de la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) mais l'Arcom s'apprête donc à récupérer cette compétence.
Scènes de décapitations
L'an passé, les différentes demandes pour restreindre l'accès à des contenus pédopornographiques (retrait, mais aussi blocage de sites par les fournisseurs d'accès et déréférencement) se montaient à quelque 118.000, et à environ 15.000 pour ceux à caractère terroriste.
Dans près de neuf cas sur dix, il s'agissait donc de contenus pédopornographiques, mais la proportion des contenus terroristes progresse. Avec des enjeux différents.
«La pédopornographie, on la trouve essentiellement sur des petits sites, +dark web+ (version parallèle d'internet, NDLR) et autres car ceux qui en veulent vont la chercher», explique Mme Pécaut-Rivolier.
«Pour l'apologie du terrorisme, il s'agit au contraire de toucher le plus vaste public possible, donc il arrive qu'on en trouve sur des supports et des opérateurs plus connus», ajoute-t-elle.
«Pour la pédopornographie, il y a une grande diversité de contenus: aussi bien des contenus +amateurs+ que professionnels à vocation pécuniaire, des films, des photos, des mangas», dit la magistrate, selon qui beaucoup proviennent des pays de l'Est.
Pour leur part, «les contenus d'apologie du terrorisme, postés par des organisations comme Daech (l'organisation Etat islamique, NDLR), sont souvent des petits films quasi professionnalisés», poursuit-elle.
Ils sont faits «d'images de propagande très fortes», enchaînant «de manière quasi instantanée des scènes de décapitations et d'autres montrant des pères affectueux avec leurs enfants».
Suivi psychologique
Pour évaluer le bien-fondé des sanctions, il faut répondre à une question essentielle: ces contenus correspondent-ils bien à la définition qu'en donne la loi?
«Pour l'apologie du terrorisme, ça nous ramène à une difficulté d'analyse: à partir de quand et jusqu'où ça va?», souligne Mme Pécaut-Rivolier, en citant un cas auquel son prédécesseur a été confronté.
«C'était au moment des +gilets jaunes+: une image terroriste avait été mise en avant par un internaute, qui écrivait en dessous: +Quelle idée de se fatiguer autant alors qu'il suffit de bloquer les postes d'essence pour mettre le souk+», se souvient-elle. «Ca avait été considéré comme une apologie du terrorisme alors qu'on n'était manifestement pas là-dedans».
Si la personnalité qualifiée juge les sanctions abusives, elle recommande à l'office spécialisé de faire marche arrière. Si cette recommandation n'est pas suivie, la personnalité qualifiée peut saisir un juge administratif.
L'an passé, le prédécesseur de Mme Pécaut-Rivolier a formulé quatre recommandations.
A l'Arcom, la magistrate sera assistée d'une douzaine de personnes pour visionner tous les contenus litigieux.
Vu leur extrême violence, cela nécessite un encadrement psychologique, selon Mme Pécaut-Rivolier: «Il y aura des séances de suivi très régulières, y compris des séances de groupe qui vont nous permettre de parler ensemble de ce qu'on voit, de ce qu'on vit et de la manière dont on peut le supporter».
La plateforme de signalement en ligne Pharos sur un écran d'ordinateur en janvier 2018 à Lille
Les demandes de retrait de contenus pédopornographiques et terroristes en ligne se sont multipliées de façon «impressionnante» l'an dernier