Retour de la mixologie Paris se réapproprie le cocktail, un siècle après

Relax

14.1.2024 - 15:03

(AFP) – Entre la recherche d'un parfait «cocktail à la française» et la multiplication de bars insolites qui font voyager dans le verre, Paris renouvelle la mixologie, repoussant les limites de la créativité, 100 ans après cette mode des Années folles. 

Paris renouvelle la mixologie, repoussant les limites de la créativité, 100 ans après cette mode des Années folles. 
Paris renouvelle la mixologie, repoussant les limites de la créativité, 100 ans après cette mode des Années folles. 
Anuat Morales / Getty Images

ETX Studio

«Il y a une renaissance du cocktail en France», assure Christophe Bouyssié, rédacteur en chef de la revue spécialisée «Shake well», interrogé par l'AFP.

Astrologie et biodynamie, révolution du sans alcool, bars immersif ou à pression: la capitale française, où il était presque impossible de boire un bon cocktail en dehors des palaces il y a 15 ans, retrouve l'engouement pour cette boisson, symbole de fête et d'ouverture d'esprit.

«Dans les années 1920-1930, il y avait 150 bars à cocktails dignes de ce nom dans Paris, dû au fait que les barmen américains se sont expatriés à cause de la Prohibition», rappelle l'expert.

Poussée par l'amélioration de la qualité des alcools et l'innovation, cette mode attire aujourd'hui non seulement des touristes anglo-saxons mais une certaine classe sociale en France, «cosmopolite, ayant travaillé à l'étranger, des cadres, sans enfant, ayant des disponibilités en temps et en argent», selon Christophe Bouyssié.

- «No Low» -

Pays du vin et du champagne, la France «a su imposer une vision différente, plus libre et créative» face à l'Angleterre et aux Etats-Unis, poids lourds de la culture cocktail, selon un livre du collectif «Drink Design», «L'art et la passion du cocktail», qui vient d'être publié.

Au Ritz Bar, Romain de Courcy cherche à créer un cocktail «à la française», avec «une certaine retenue, finesse, précision et élégance, comme dans les autres métiers du luxe, le vin, la mode ou la gastronomie».

Avec sa carte en biodynamie, liant les signes astraux aux fruits, fleurs, racines et feuilles, il se démarque de l'autre bar légendaire du palace, le Hemingway, prisé des Américains, qui sert des recettes plus classiques.

«Dans l'air du temps», la carte mise en place en octobre n'est pas ou peu alcoolisée et les cocktails tournent autour d'un seul ingrédient, comme la poire ou le petit-grain (distillat de feuilles d'agrumes).

«La moitié de la carte est plus légère qu'un verre de vin», se félicite Romain de Courcy.

Matthias Giroud, référence en «No Low» (peu ou pas alcoolisé), s'est joint au pâtissier Bryan Esposito pour créer des accords de cocktails avec cinq gâteaux classiques français (de 19 à 22 euros), pour un pop-up au grand magasin Printemps.

«On travaille des ingrédients bruts pour concentrer les saveurs sans mettre beaucoup de sucre, ni de produits chimiques», explique à l'AFP le barman, qui élabore des cartes pour des restaurants étoilés ou des brasseries de quartier. «On crée nos propres saveurs, c'est une vraie innovation», souligne-t-il.

- Oser les nouveaux goûts –

Si Romain de Courcy défend le prix de 35 euros le cocktail au Ritz parce qu'il «y a des bouteilles de vin à 10.000 euros et ce n'est que du jus de raisin», la démarche des fondateurs du bar «The Honey Moon» est tout autre.

Après Londres, les bartenders américain Ben Wilson et canadien Mike Jordhoy se sont installés à Paris en créant le premier bar à cocktails pression: aucune bouteille, juste un grand mur avec des robinets pour servir 22 boissons préalablement mises en fût dans la cave.

«Après le Covid, on a trouvé qu'il était compliqué de trouver du staff et garder la qualité» dans un bar classique, explique Mike Jordhoy à l'AFP.

Ce concept permet de maîtriser le prix (13 euros maximum) et de faire tester en petite quantité aux Français des goûts qu'ils n'apprécient traditionnellement pas, par exemple épicés dans un cocktail à base de calvados, fruit de la passion, chili et miel.

Dans le nouveau bar immersif «Unplug» (débrancher), on voyage en Asie, Afrique et Amérique du Sud sans faire exploser son bilan carbone, grâce à des vidéos et des cocktails aux saveurs exotiques de chaque continent.

«J'avais envie de créer un lieu nouveau. Les classiques, on les connaît, je ne veux pas retomber dans la routine. J'aime prendre des risques et j'invite mes clients à prendre des risques», raconte à l'AFP Romain Caron, le créateur du bar inspiré du restaurant immersif triplement étoilé «Ultraviolet» du chef français Paul Pairet à Shanghai.