«Risques de troubles à l'ordre public»Le spectacle de Dieudonné au Zénith de Paris interdit
ATS
6.9.2023 - 21:08
Déjà refusé dans plusieurs villes, le spectacle de l'humoriste controversé Dieudonné n'aura pas lieu le 14 septembre au Zénith de Paris. Le préfet de police a décidé de l'interdire en raison de «risques de troubles graves à l'ordre public» au regard de ses propos antisémites réitérés.
Keystone-SDA
06.09.2023, 21:08
ATS
Cette interdiction vient s'ajouter à celles prises au cours de l'été à Lyon, Grenoble, Montpellier ou encore Toulouse, où l'humoriste multi-condamné pour injures raciales et incitation à la haine devait présenter son nouveau spectacle «La Cage aux fous», avec le chanteur antivax Francis Lalanne.
Début août, le préfet de police Laurent Nuñez avait prévenu Dieudonné de cette possibilité d'interdiction en raison notamment de «risques de troubles graves à l'ordre public», ce qu'il a réitéré dans l'arrêté motivant sa décision.
Dans ce courrier, le préfet évoquait «des atteintes à la dignité humaine» dans le contenu du spectacle.
Plusieurs échanges ont eu lieu ensuite entre la préfecture de police et l'avocat du polémiste, notamment sur la communication du script du spectacle.
Dans son arrêté d'interdiction, Laurent Nuñez a relevé qu'il était de «notoriété publique que la teneur des précédents spectacles» de Dieudonné «faisait l'apologie des discriminations, des persécutions et des exterminations perpétrées au cours de la Seconde Guerre mondiale».
Il a estimé en outre que les «éléments mis en avant par l'avocat» de l'humoriste controversé n'étaient «pas de nature à empêcher la tenue de propos portant atteinte à la dignité humaine pendant le spectacle et n'apport(aient) ainsi pas de garanties suffisantes sur l'absence de troubles à l'ordre public».
Habitué des prétoires
Laurent Nuñez a souligné aussi que dans un article de Rivarol (un organe de presse d'extrême droite) daté du 29 août, Dieudonné avait stigmatisé «le lobby juif» en affirmant vouloir «combattre ce lobby haineux et raciste».
Le préfet de police a noté également que ce spectacle devait se dérouler la veille de la célébration par la communauté juive de la fête de Roch Hachana, la nouvelle année dans le calendrier hébraïque, et «à proximité d'une synagogue».
Dieudonné et Francis Lalanne ont déjà essayé de faire jouer «La Cage aux fous» au Cirque d'Hiver à Paris le 7 avril.
Dès la fin avril, le Zénith de Paris avait alerté les pouvoirs publics en rappelant qu'une interdiction revenait «aux seules autorités compétentes».
Basculé
Ex-comparse d'Elie Semoun, ancien chouchou des plateaux de télévision, considéré un temps comme l'un des meilleurs comiques de sa génération, Dieudonné, 57 ans, a basculé il y a vingt ans dans la polémique et les condamnations en justice.
Né en 1966 dans les Hauts-de-Seine d'un père camerounais expert-comptable et d'une mère bretonne sociologue, il a la double nationalité française et camerounaise.
Il rencontre Elie Semoun au lycée et commence à écrire des sketchs entre deux boulots. Dans les années 90, le duo connaît un succès rapide.
Mais en 2003, à la télévision, sur le plateau de Marc-Olivier Fogiel, l'humoriste bascule dans une autre dimension en concluant par un salut nazi un sketch raté pour lequel il s'était déguisé en Juif extrémiste.
Cette sortie provoque une tempête de réactions et de plaintes. Il continue dans cette voie et devient un habitué des prétoires.
Dieudonné y a perdu beaucoup d'amis mais a gagné aussi des amitiés, comme le négationniste Robert Faurisson (qu'il a ensuite fait applaudir sur scène par son public), le conspirationniste Thierry Meyssan, l'essayiste d'extrême droite Alain Soral, ou encore Jean-Marie Le Pen, le parrain de sa fille Plume.
Le polémiste, expulsé en 2017 de son théâtre parisien le Théâtre de la Main d'or, est devenu persona non grata et se produit désormais, la plupart du temps, dans un bus itinérant, un espace pauvre en décors, loin d'une scène sous projecteurs.
Son avant-dernier spectacle, «Sous bracelet», fait référence à son placement sous bracelet électronique après sa condamnation fin mai 2021 pour fraude fiscale et abus de biens sociaux. Il a été reconnu coupable d'avoir détourné plus d'un million d'euros de recettes non comptabilisées de ses spectacles.