Policier jugé pour meurtre Policier jugé pour meurtre à Bex: «J'ai tiré pour sauver ma vie»

sj, ats

23.3.2021 - 13:08

Le procès du policier qui a abattu un père de famille congolais de 27 ans lors d'une intervention à Bex (VD) en 2016 a débuté mardi à Renens. «Je n'ai pas eu le choix. J'ai tiré pour sauver ma vie», a dit le caporal de la police du Chablais, âgé de 52 ans.

Après quatre ans d'enquête du Minsitère public, les juges de la cour criminelle du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, délocalisée à Renens pour ce procès, doivent déterminer s'il y a eu légitime défense ou geste disproportionné du policier.
Après quatre ans d'enquête du Minsitère public, les juges de la cour criminelle du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, délocalisée à Renens pour ce procès, doivent déterminer s'il y a eu légitime défense ou geste disproportionné du policier.
ATS

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Légitime défense ou geste disproportionné?

Après quatre ans d'enquête du Minsitère public, les juges de la cour criminelle du Tribunal d'arrondissement de l'Est vaudois, délocalisée à Renens pour ce procès, doivent déterminer s'il y a eu légitime défense ou geste disproportionné du prévenu, âgé de 52 ans. Des couacs lors de l'intervention vont aussi être passés sous la loupe.

Lors de l'audition du prévenu, le déroulé de l'intervention de la police ce dimanche 6 novembre 2016 dans un immeuble de Bex où la victime avait fait du grabuge en soirée a été passé en revue. Le caporal a été entendu sur sa version des faits. Que s'est-il exactement passé dans la cage d'escalier du locatif au moment des tirs de l'accusé, qui doit répondre de meurtre, chef d'accusation passible de cinq ans de prison au moins?

C'est vers 22h00 que les choses se précipitent dans ce bâtiment. Hervé défonce la porte d'un voisin en train de dormir et s'introduit dans sa chambre avec un couteau emballé dans un tissu à la main. Il fait mine de l'égorger puis quitte l'appartement sans le toucher.

Etat second

Selon l'acte d'accusation, il est dans un état second. L'autopsie révélera la présence de MDMA dans le sang, une drogue qui peut altérer l'état de conscience.

Lorsque les cinq agents de police arrivent sur les lieux peu après 22h30, ils se dirigent vers l'appartement d'Hervé qui entrouvre la porte et leur dit de lui ficher la paix. Un bruit ressemblant à «un coup de feu» est entendu, selon le caporal, puis un objet est lancé au sol du corridor depuis son appartement.

Ainsi éconduits, les policiers se positionnent à différents endroits de l'immeuble et tentent de coordonner leur opération. Problème: leurs radios ne fonctionnent pas. Hervé ressort de son appartement en brandissant un couteau à pain. Menaçant, il se dirige vers un des policiers qui réussit à se réfugier dans un autre appartement.

Touchés au thorax et à la cuisse

Le caporal posté à l'entrée de l'immeuble remonte ensuite dans le locatif après avoir «entendu des appels à l'aide» de son collègue resté à l'étage. C'est là qu'il «entend et voit» Hervé courir dans sa direction, toujours le couteau à la main, au-dessus de la tête, prêt à frapper. Malgré deux sommations d'usage, Hervé ne s'arrête pas.

Alors que les deux hommes se retrouvent à un environ un mètre l'un de l'autre, le caporal tire trois coups de feu, selon l'acte d'accusation, dont deux touchent Hervé, au thorax et à la cuisse droite. Son décès est constaté à 23h41 à la suite de lésions pulmonaires avec hémorragie interne.

L'accusé ne se souvient que de deux tirs. «J'ai tiré deux fois pour sauver ma vie. Je n'ai pas eu le choix. Après deux sommations, j'ai dégainé mon arme et tirer en même temps», raconte-il, la voix tremblante.

L'expertise confirme trois tirs

Trois experts scientifiques ont été convoqués durant la même matinée devant le tribunal: une professeure en médecine légale, un expert en balistique et un ingénieur géomètre. Leur rapport confirme qu'il y a bien eu trois tirs très rapides et à une distance très proche. Un premier tir aurait touché la marche d'escalier, le deuxième tir la cuisse d'Hervé et le troisième le thorax de la victime.

Selon eux, le tir ayant touché le thorax serait intervenu au moment où Hervé était en train de tomber en avant. L'expertise a aussi mis en évidence que la distance entre un tireur et sa cible jouait clairement un rôle dans le temps de réaction nécessaire afin de tirer de manière précise sur une partie du corps. Or celle-ci était très proche, entre 70 et 125 cm.

Les experts ont aussi rappelé que les policiers sont instruits en cours et à l'entraînement à viser le torse et l'abdomen pour maximiser les chances de toucher une personne ciblée lors d'une menace ou d'un danger.

La question du stress du policier a aussi été abordée. L'expression connue dans le jargon des interventions policières de «vision du tunnel» a été citée: elle explique que le stress a tendance à réduire le champ de vision vers un seul élément devant soi, occultant ce qui se passe ou se situe à côté ou autour de l'action. Ce qui pourrait expliquer pourquoi le caporal a le souvenir de deux tirs et non de trois ou qu'il ne se souvienne pas de sa position exacte dans la cage d'escalier au moment de tirer.