Procès du 13 novembre Prison ferme requise contre la mère d'un des jihadistes du Bataclan

ATS

4.3.2022 - 22:44

Pour sanctionner un «aveuglement complice», l'accusation a requis vendredi quatre ans de prison, dont un an ferme, contre la mère d'un des kamikazes du Bataclan. Elle est jugée pour avoir envoyé de l'argent à son fils en zone irako-syrienne avant les attentats du 13 novembre.

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KEYSTONE/DPA/Uwe Anspach

Keystone-SDA

La décision a été mise en délibéré au mercredi 9 mars.

Pendant plus de sept heures, le tribunal correctionnel de Paris s'est penché sur un dossier «irrigué» par les pièces de l'enquête sur les attaques qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis, dont le procès se poursuit depuis septembre.

La mère de Foued Mohamed Aggad, l'un des trois jihadistes qui ont attaqué la salle de concert parisienne, était poursuivie pour avoir envoyé à son fils et sa compagne sept mandats, pour un total de plus de 13'000 euros, et un colis entre août 2014 et août 2015.

Cette femme de 54 ans a «placé l'amour filial au-dessus de tout», a soutenu en fin d'audience le procureur, requérant sa condamnation pour financement du terrorisme à quatre ans de prison, dont un ferme, et une amende de 5000 euros.

«En connaissance de cause»

«Je ne vous dis pas qu'elle partageait cette idéologie» mais «qu'elle avait parfaitement connaissance de la nature du groupe Etat islamique et des activités de son fils. En connaissance de cause, elle l'a soutenu financièrement», a estimé le magistrat antiterroriste.

Il a en outre requis dix ans d'emprisonnement pour association de malfaiteurs terroriste contre la compagne de Foued Mohamed Aggad, présumée morte en Syrie en 2017.

Originaire du Bas-Rhin, le jihadiste était parti en décembre 2013 en Syrie, à 21 ans. Sa compagne, qui l'avait rencontré sur Facebook, l'a rejoint en mars 2014. Le couple s'est marié religieusement en Syrie puis a vécu dans plusieurs villes contrôlées par l'EI, selon l'enquête.

«Sale truc»

A la barre, la mère, souvent émue, a répété: «je n'ai pas soutenu la cause, j'ai soutenu mon fils, sa femme et son futur enfant». Elle a aidé le couple parce qu'ils «en avait besoin pour survivre, pour vivre».

«Il disait qu'ils n'avaient pas de médicaments, qu'il y avait des bombardements, que la nourriture était en manque», a déclaré la prévenue, robe bleue en jean et foulard noir. Son fils lui parlait aussi de «payer des passeurs» pour quitter des zones de guerre.

Pourtant, a relevé le président, dans ses contacts «quasi-quotidiens» avec son fils, il lui a dit vouloir rester et «combattre», que s'il rentrait en France ce serait pour «faire un sale truc» et lui a parlé de sa volonté de mourir «en martyr».

Relevant au fil de ses questions une «réécriture de (ses) souvenirs» ou des déclarations contraires à celles tenues en garde à vue, le président, parfois agacé, a souligné que les mandats étaient adressés à des collecteurs de l'EI: là, «vous financez ce système».

«Depuis, avec ce que j'ai appris, oui ...», a répondu la prévenue, hésitante. «Tout ce qui m'importait à cette période-là, c'était de pouvoir sauver mon fils, sa femme et son futur enfant et aucunement de financer une quelconque entreprise terroriste».

«Déni»

En 2015, elle a posté un colis de «médicaments», «vêtements», «vitamines», «parfum»... Un envoi postérieur à l'attentat contre Charlie Hebdo. «Vous pensez quoi des attentats, madame ?», a questionné le président.

«Je les condamne», «je suis contre tout ça, contre la violence», a-t-elle affirmé, concédant avoir été «manipulée» par son fils. «N'avoir rien vu et fait en sorte de ne pas voir, je m'en veux terriblement pour ça».

Le 23 août 2015, Foued Mohamed Aggad a tenu des propos «d'adieux» dans des extraits vidéos enregistrées par sa famille.

Sa mère ne recevra ensuite plus qu'un message jusqu'au soir du 13 novembre. A 23h55, il lui a écrit «je t'aime» et «je vais bientôt rencontrer Allah». Il sera tué dans l'assaut du Bataclan.

Contestant une partie des versements, son avocat, Me Matthieu Bagard, a fait valoir que la prévenue avait une «peur panique» pour ses enfants et que son jugement avait été «obscurci» par un «terrible écran de fumée».