Le procès très attendu de la chaîne américaine Fox News, accusée par une entreprise de machines de vote électronique d'avoir propagé la fausse thèse d'une présidentielle truquée en 2020, doit rentrer dans le vif du sujet mardi. Sauf si un accord de dernière minute est trouvé avec le plaignant.
Une personne passe devant les locaux de Fox News à New York, le 9 mars 2023
Un camion publicitaire de l'organisation "MediaMatters" avec l'inscription "Fox News a menti" devant le tribunal de Wilmington, le 17 avril 2023
Rupert Murdoch, président de News Corp et de Fox News, le 13 juillet 2017 à Sun Valley (Idaho)
Procès ou accord à l'amiable? L'affaire Fox News dans le dur - Gallery
Une personne passe devant les locaux de Fox News à New York, le 9 mars 2023
Un camion publicitaire de l'organisation "MediaMatters" avec l'inscription "Fox News a menti" devant le tribunal de Wilmington, le 17 avril 2023
Rupert Murdoch, président de News Corp et de Fox News, le 13 juillet 2017 à Sun Valley (Idaho)
Après la sélection du jury, les plaidoiries préliminaires des deux camps étaient prévues lundi, mais le juge Eric Davis a reporté les débats d'un jour, à mardi, devant la cour supérieure de l'Etat du Delaware, à Wilmington.
Aucun motif n'a été avancé, mais selon le Wall Street Journal, propriété comme Fox News du magnat des médias Rupert Murdoch, «Fox a poussé au dernier moment pour régler à l'amiable le différend qui l'oppose à Dominion Voting Systems».
Quels que soient les termes financiers, un accord éviterait à la chaîne préférée des conservateurs, à sa maison mère Fox Corporation et à la famille Murdoch de subir «le procès en diffamation du siècle» comme l'a qualifié lundi le New York Times. Et à Rupert Murdoch, 92 ans, la perspective de devoir peut-être témoigner à la barre.
«Le méchant»
Un procès sera suivi de près aux Etats-Unis, où il est vu comme un test pour les limites de la liberté d'expression, garantie par le premier amendement de la Constitution, tout autant que pour la lutte contre la désinformation.
Au total, l'entreprise Dominion Voting Systems, qui opérait dans 28 Etats durant l'élection de 2020, réclame 1,6 milliard de dollars de dommages et intérêts devant ce tribunal civil.
Une somme faramineuse mais à la hauteur selon l'entreprise du préjudice pour avoir été présentée sur la chaîne la plus regardée du câble américain comme «le méchant» d'une «histoire fabriquée de toutes pièces» après la présidentielle de novembre 2020 perdue par Donald Trump, écrit-elle dans sa plainte.
Dans une ambiance tendue, le républicain accusait sans preuves le camp Biden de fraudes en tout genre. Et ses conseillers, Rudy Giuliani et Sidney Powell, pointaient quasi quotidiennement du doigt Dominion sur les plateaux de Fox News.
Durant la phase préparatoire, le juge Eric Davis a jugé «clair comme de l'eau de roche qu'aucune affirmation sur Dominion lors de l'élection de 2020 (n'était) vraie». Dominion pointe vingt extraits qu'il juge diffamatoires.
Mais l'entreprise devra établir une volonté délibérée de mentir chez Fox News et le jury devra se prononcer à l'unanimité pour une condamnation.
«Vraiment fou»
Incontournable dans le camp conservateur, et régulièrement accusée de se faire l'écho de théories conspirationnistes, Fox News joue gros et veut faire du procès un cas emblématique de la liberté de la presse.
Pour la chaîne, il était légitime de donner la parole au camp Trump quand il contestait le vote et «essentiel pour la recherche de la vérité» de laisser s'exprimer toutes les parties.
Mais la procédure a déjà donné lieu à un déballage embarrassant pour Fox, ses vedettes et ses dirigeants, avec la publication d'échanges de courriels ou de SMS montrant qu'au sein de la chaîne et de sa maison mère Fox Corporation, on ne croyait guère au scénario d'une élection truquée.
Un «truc vraiment fou. Et dommageable», écrivait ainsi le 19 novembre 2020 le grand patron, Rupert Murdoch, dans un courriel intitulé «en train de regarder Giuliani!», à la patronne de Fox News, Suzanne Scott.
Les nombreux messages, obtenus dans le cadre de la procédure et émanant aussi de stars de la chaîne, comme Tucker Carlson ou Laura Ingraham, sont au coeur de l'argumentaire du plaignant, selon qui Fox News mentait à dessein, pour ne pas perdre ses téléspectateurs acquis à Donald Trump.
«Il faut la virer», disait aussi Tucker Carlson, à la vision d'un tweet d'une journaliste de la chaîne balayant les accusations de fraude.
«Cela nuit considérablement à l'entreprise. Le cours de l'action est en baisse. Ce n'est pas une blague», ajoutait-il.
Fox News accuse Dominion Voting Systems d'avoir procédé à une sélection tronquée et biaisée des messages.
Le procès, s'il a lieu, doit se conclure fin mai.