Rando-reportage: «La vie en jaune» «Quand il y a des surprises, elles ne sont pas forcément bonnes!»

Valérie Passello

3.6.2023

Il y a près de dix ans, Pascal Bourquin se lançait le défi de parcourir tous les chemins de Suisse balisés en jaune, en rouge et blanc ou en bleu et blanc. blue News a marché dans ses pas durant une matinée sur les hauts de Montreux, le temps de faire connaissance avec un vrai passionné de sport, de nature, de photographie et... de tableaux Excel. En route!

La vie en jaune: sur les pas de Pascal Bourquin

La vie en jaune: sur les pas de Pascal Bourquin

Il y a près de dix ans, Pascal Bourquin se lançait le défi de parcourir tous les sentiers pédestres de Suisse. Reportage.

30.05.2023

Valérie Passello

«Il y a peut-être quelque chose de l'ordre du psychiatrique dans mon projet», concède Pascal Bourquin en amorçant la pente douce du chemin forestier qui mène de Sonchaux à Caux. Mais si d'aucuns jugeaient son défi un peu fou il y a dix ans, celui-ci est aujourd'hui mieux connu et reconnu.

La vie en jaune -c'est le nom de son aventure- passionne des dizaines de milliers d'internautes sur les réseaux sociaux.

La genèse, ce journaliste l'a déjà racontée à moult confrères. Féru d'alpinisme, il aurait pu essayer de se lancer dans l'ascension ultime, celle de l'Everest. Mais il a préféré se trouver un «Everest» tout personnel: fin 2013, il décide de parcourir tous les sentiers pédestres de Suisse. Et il se donne 28 ans pour le faire. 

«En principe, les réactions sont plutôt positives», remarque ce Jurassien de 57 ans. «C'est toujours pareil: quand vous partez de zéro, on ne vous prend pas trop au sérieux. Mais une fois que vous avez marché 10'000 kilomètres, vous gagnez en crédibilité».

La vie en jaune, c'est...

  • 66'354 kilomètres de sentiers pédestres à parcourir
  • Une aventure planifiée sur 28 ans  
  • Généralement deux marches par semaine
  • Environ 25 à 30 kilomètres pour chaque sortie
  • 37,29% de l'objectif déjà remplis
  •  1,22 million de kilomètres de dénivelé positif et négatif déjà arpentés

En ce vendredi matin, blue News l'accompagne pour un bout de chemin. Le rendez-vous a été fixé à 7h30 à l'auberge de Sonchaux, au-dessus de Montreux. Malgré l'intervention de la police pour la naissance d'un veau qui a bloqué notre route durant quelques minutes, nous arrivons en même temps: pile à l'heure!

Départ pour un périple d'un peu plus de 12 kilomètres: «Je vous ai préparé un itinéraire assez facile. Nous allons faire la boucle qui descend jusqu'à Glion, puis l'après-midi, je monterai sur les Rochers-de-Naye», a-t-il averti lors de notre dernier contact téléphonique.

On se chauffe un peu les mollets dans la première montée jusqu'à la place de décollage des parapentes, puis le chemin redescend, comme promis. En matière de montées et de descentes, Pascal Bourquin sait de quoi il parle. «Depuis le début, j'ai cumulé 1,22 million de kilomètres de dénivelé positif et négatif. Si on tire une ligne droite sur la carte, ça doit faire d'ici jusqu'en Espagne au moins. Ou peut-être bien jusqu'à Gibraltar», évalue-t-il en scrutant le Léman qui s'étale au loin dans une luminosité laiteuse.

Idyllique, le chemin offre une vue à couper le souffle entre lac et montagnes. Et soudain, le spectacle d'un champ de narcisses en fleurs surgit sous nos yeux. Voilà qui mérite une pause photo. Pascal Bourquin aime partager ses clichés, «pas pour la gloriole», assure-t-il, mais bien pour le plaisir: «Un jour, une internaute m'a écrit qu'elle était handicapée et que je lui permettais de voyager. Ça m'a touché».

Apparition de chameau et attaque de rapace

En marchant, Pascal Bourquin a fait relativement peu de rencontres. Il l'explique par le fait que 90% des gens parcourent toujours les mêmes sentiers, le reste du réseau pédestre étant délaissé par les marcheurs. «Et pourtant, il y a des lieux magnifiques à découvrir», souligne ce passionné de nature.

Mais lui est-il arrivé d'avoir des surprises en chemin? Réponse dans un sourire: «Quand il y a des surprises, elles ne sont pas forcément bonnes!»

Le sportif de 1,93 mètres continue d'avancer d'un bon pas et creuse dans ses souvenirs. Il évoque cette rencontre incongrue dans un pré soleurois: «Je sors d'une forêt, le paysage s'ouvre et tout à coup, je tombe sur... un chameau!» Il se rappelle aussi d'une mauvaise rencontre avec un rapace qui, pour défendre son nid au bord du chemin, l'a attaqué en règle: «Dans ce cas-là, vous ne réfléchissez pas, vous mettez les mains sur la tête et vous courez», relate-t-il.

Mais avec l'expérience, ce «grand maniaque des tableaux Excel», comme il se décrit lui-même, ne se laisse plus surprendre: il prépare méticuleusement toutes ses sorties. Il a aussi dû adapter le kilométrage de ses randonnées au gré des aléas de la vie, car il a eu des soucis de santé ces dernières années. Mais il s'en est remis et continue à avancer, dans tous les sens du terme.

30, 29, 28, 27....

Smartphone en main, il vérifie de temps à autre si nous suivons toujours le bon itinéraire. Une longue descente nous a menés jusqu'à Glion. «La montée est douce pour rejoindre Sonchaux, il y a juste un petit bout de chemin qui grimpe fort», avertit le randonneur en pointant un tronçon rouge sur la carte.

La voilà, cette montée. Pascal Bourquin gambade à la manière d'une chevrette. Il faut le suivre et ce n'est pas facile. Bienveillant et patient, il trouve une combine pour que la pente se fasse moins hostile: «Il y a environ trente virages pour arriver en haut. Allez, je vous fais le décompte! 30, 29, 28, 27...» Il compte ainsi jusqu'à la route qui rejoint notre point de départ.

Un joli selfie immortalisera notre rencontre après cette montée épique. Le temps d'échanger encore quelques mots en dégustant une part de tarte à l'auberge de Sonchaux et voilà notre sportif qui repart en vadrouille, à l'assaut des Rochers-de-Naye cette fois, pour 14 autres kilomètres. 

Dans 18 ans, lorsque Pascal Bourquin aura sillonné ses 66'354 kilomètres de sentiers pédestres, nous garderons l'excellent souvenir d'avoir partagé 0,02 % de son incroyable défi.

Le tracé du parcours de la journée effectué par Pascal Bourquin.
Le tracé du parcours de la journée effectué par Pascal Bourquin.
DR