Musicologie Retrouver le son des trombones d'antan

ATS

2.1.2020 - 09:03

L'original, un trombone romantique historique (devant), a été comparé à une réplique exacte (milieu) réalisée par l'atelier bâlois Egger et à un instrument moderne (derrière).
L'original, un trombone romantique historique (devant), a été comparé à une réplique exacte (milieu) réalisée par l'atelier bâlois Egger et à un instrument moderne (derrière).
Source: Empa/Beat Geyer

Les interprètes et chefs d'orchestre de musique classique sont friands de trombones romantiques. Un projet réunissant l'Empa, la Haute école des arts de Berne et le constructeur bâlois Rainer Egger tente de retrouver les sonorités d'antan.

Des chercheurs du Laboratoire fédéral d'essai des matériaux et de recherche (Empa) se sont associés au projet Innosuisse «The Sound of Brass» de la Haute école des arts de Berne. Objectif: fabriquer des répliques d'une qualité sonore égale, voire supérieure aux modèles historiques.

L'atelier Egger à Bâle est le partenaire chargé de réaliser ces copies de «trombones romantiques allemands» du XIXe siècle. Brahms, Mahler et Bruckner ont probablement écrit leurs compositions pour ce type de trombones dont les contemporains vantaient «le son fabuleux, si tendre et si plein».

«Les trombones d'aujourd'hui sonnent autrement», explique Rainer Egger, cité dans un communiqué de l'Empa. Selon lui, les plans, le choix des matériaux et le mode de fabrication jouent un grand rôle dans ce son. Mais cela n'avait jamais été démontré scientifiquement.

Un travail méticuleux

Martin Tuchschmid, du laboratoire «Technologie des assemblages et corrosion» de l'Empa, a examiné 64 trombones romantiques d'époque provenant de diverses collections. Pour en identifier les matériaux, il a recouru à la spectrométrie de fluorescence des rayons X à dispersion d'énergie.

Cette méthode d'analyse non destructrice, en usage dans le bâtiment et l'industrie, permet d'inventorier les matériaux présents dans un alliage. Elle a mis en évidence que les différentes parties des trombones, telles que la couronne, le pavillon ou la coulisse, sont faites de matériaux différents.

Les plus fréquents sont le laiton, le tombac (un alliage plus rouge de cuivre) et le maillechort (alliage de cuivre, nickel et zinc). Jusqu'ici, on n'avait aucune idée des matières employées dans les trombones historiques. Des composants toxiques comme le plomb ou l'arsenic ont aussi été trouvés.

Chaud, sombre, doux

Rainer Egger s'est appuyé sur ces résultats pour choisir ses matériaux et a construit des trombones sur le modèle des anciens – à la main. Son hypothèse: les répliques produiront un son plus chaud, plus sombre et plus doux que les instruments modernes.

Ces traits peuvent être caractérisés physiquement par des mesures de fréquences et d'amplitudes. Pour éviter que le jeu des musiciens n'influence les mesures, M. Egger et les experts du département «Acoustique/Contrôle de bruit» de l'Empa ont construit un appareil qui met la colonne sonore des trombones en vibration de manière contrôlable.

Les chercheurs ont analysé le timbre des répliques et des originaux en laboratoire d'acoustique. Le comportement des matériaux durant le jeu était scruté par un vibromètre laser à balayage. Conclusion: les matériaux, la fabrication et le design des instruments ont une nette influence sur le timbre et la dynamique de l'instrument.

Répliques convaincantes

«Nous avons pu montrer pour la première fois que les ondes stationnaires et les matériaux utilisés dans la construction des instruments à vent de la famille des cuivres interagissent par résonance, avec un effet sensible sur la souplesse du jeu et le timbre», explique Armin Zemp, chercheur en acoustique à l'Empa.

Les premières réactions d'experts ont montré que ces répliques étaient tout à fait convaincantes. Ian Bousfield, qui enseigne le trombone à la Haute école des arts de Berne, utilise déjà l'un de ces instruments lors des concerts de l'Orchestre symphonique Bienne-Soleure: «Le public trouve parfois le son des répliques même plus expressif que l'original».

Les analyses ont également fourni d'utiles indications pour la construction de l'instrument, par exemple sur la position idéale des renforts transversaux et sur le traitement thermique des pièces.

«Lorsque la tôle est chauffée au rouge, les tensions internes se relâchent; cela modifie les vibrations et le son se fait plus doux», indique M. Zemp. Il a également été constaté que les alliages plus durs à teneur plus élevée en zinc et nickel produisaient un son plus puissant.

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