Naufrage en Sicile «Situation anarchique»: comment une trombe marine peut faire couler un yacht

AFP

20.8.2024

La trombe marine soupçonnée d'être à l'origine du naufrage du yacht du magnat britannique Mike Lynch au large de la Sicile est un phénomène «violent et localisé» sans doute accentué par les températures extrêmement élevées de la Méditerranée, explique à l'AFP un expert français du secteur maritime.

Les services d'urgence italiens, y compris les pompiers et les garde-côtes, mobilisés en mer.
Les services d'urgence italiens, y compris les pompiers et les garde-côtes, mobilisés en mer.
IMAGO/ABACAPRESS

AFP

L'enquête ne fait que commencer, et les plongeurs n'ont même pas encore retrouvé tous les disparus. En attendant, Jean-Marie Dumon, ancien officier de la marine qui a navigué pendant 35 ans, délégué général adjoint au Groupement français des industries de construction et activités navales (Gican), explique plusieurs hypothèses et comment les facteurs météorologiques auraient pu créer une situation «absolument anarchique» pour le navire.

QUESTION: Comment une trombe marine peut-elle faire couler un yacht?

REPONSE: Cela semble étonnant, mais c'est un phénomène qui peut s'apparenter à une violente tornade. On voit bien comme une tornade se produit sur Terre en faisant une rotation d'aspiration entre une couverture nuageuse et une surface terrestre. On a par exemple ça aux États-Unis très souvent.

Là, c'est un des phénomènes qui sont un peu plus rares mais qui se passent en mer et qui provoquent finalement une tornade très violente, très localisée. Et généralement, ça se dissipe quand ça touche la Terre.

Il faudrait analyser bien évidemment les radars météo et ce qui s'est passé sur place au large de la Sicile. Mais ce sont des phénomènes qui peuvent aussi être accentués quand ils se déclenchent par une différence de températures entre une couverture nuageuse finalement assez fraîche et une surface de l'eau très au-delà de la température habituelle.

Et cette année, en Méditerranée, à certains endroits, la température de la surface de l'eau était supérieure à des années moyennes, à quasiment 30 degrés.

On a un phénomène super orageux. On peut avoir une superposition d'aspiration d'air et d'eau avec un cisaillement des vents et qui crée finalement quelque chose qui se soulève et qui peut, avec des vents violents d'une centaine de km/h, créer des conditions de mer complètement anarchiques et qui peuvent effectivement engendrer des naufrages.

Q: Comment un très grand yacht qui a navigué dans des océans agités a pu s'abîmer en mer?

R: Effectivement c'est un voilier de grande qualité qui a dû sortir d'un cabinet d'architecture navale, qui a été modélisé par rapport à des situations extrêmes et classiques avec des vents établis, des fortes mers.

Là, on a un cisaillement de vents qui peut provoquer finalement l'instabilité.

Le voilier a une mâture assez importante, je crois de 75 mètres de haut, donc on peut finalement avoir un effet amplificateur, du fait de cette mâture rapportée à la longueur du voilier qui a créé une condition finalement à un moment de basculement, et le navire s'est couché sur le côté.

A partir du moment où il se couche sur le flanc, l'eau peut commencer à remplir le voilier.

Q: Comment expliquer que les autres bateaux présents dans cette zone n'aient pas été touchés?

R: Les autres bateaux avaient peut-être un rapport de stabilité par rapport au mât qui était différent, c'est une hypothèse. Il faudrait la confronter avec des données techniques établies concernant les autres voiliers qui étaient au mouillage ou à proximité en navigation pour savoir ce qu''ils ont constaté comme état de mer et évolution des vents au moment de la catastrophe.

Le fait que le navire en lui-même n'ait pas été abîmé, sans dommages ou cassures apparentes, milite pour indiquer qu'il se serait couché sur le flanc et donc ça veut dire qu'il aurait perdu sa stabilité à un moment ou à un autre.  Comme il est au mouillage, il est moins manœuvrant. Il est sur un parking en mer, donc l'équipage ne pouvait pas manœuvrer avec autant de vélocité que s'il était en train de naviguer.