GelSonnés, les agriculteurs français parlent de «semaine noire»
ATS
9.4.2021 - 07:57
Les efforts nocturnes des agriculteurs français pour limiter les dégâts du gel, en dispersant des braseros entre leurs vignes ou en aspergeant d'eau les vergers pour créer une coque de glace autour des bourgeons, n'ont pas suffi. Les cultures sont sévèrement touchées dans plusieurs régions de l'Hexagone.
Keystone-SDA
09.04.2021, 07:57
09.04.2021, 17:35
ATS
«Les dernières nuits marquées par une chute historique des températures et des gelées destructrices viennent de mettre un coup d'arrêt à la floraison et menacent fortement plusieurs filières de production agricole», a souligné jeudi le syndicat agricole majoritaire FNSEA, dans un communiqué.
Vignes, arbres fruitiers mais aussi colza ou légumes de plein champ: un grand nombre de cultures sont potentiellement atteintes sur un large secteur allant du nord de la France à la vallée du Rhône, en passant par le bordelais.
«Dans de nombreuses régions, du nord au sud et de l'est à l'ouest, les dégâts sont impressionnants chez viticulteurs et arboriculteurs. La détresse est grande aussi dans le monde des grandes cultures! Les impacts sur le colza, en pleine floraison, sont dramatiques, comme sur les semis de betteraves: de très nombreux planteurs vont devoir ressemer plus de la moitié de leur surface», selon la FNSEA.
Craintes pour la vigne et les fruits
«On sait déjà qu'on va avoir une très faible récolte en 2021», a déclaré à l'AFP Jean-Marie Barillère, président du Cniv qui réunit les interprofessions des vins AOP et IGP. Le gel, qui a commencé à sévir il y a quatre jours, a «touché 80% du vignoble français». «Les arboriculteurs et les viticulteurs viennent de vivre une semaine noire», résume-t-il.
Selon le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), il est «déjà certain que ce gel du printemps impactera sévèrement le volume de la récolte 2021»: le gel a «durement frappé» de vastes zones du vignoble du Bordelais.
Dans la vallée du Rhône, les premières remontées de terrain laissent craindre le pire. Plus encore pour les arboriculteurs, dont les productions étaient plus avancées, que pour les vignerons.
«Pêches, nectarines, abricots vont être rares sur les étals cette année», estime Daniel Sauvaitre, président de l'association nationale des pommes et des poires (ANPP). «Tout l'enjeu, c'est de savoir s'il reste suffisamment de fleurs qui soient encore vertes pour faire une récolte», a-t-il ajouté.
Quelle évaluation des dégâts?
«On est aujourd'hui face à une situation qui est tout à fait exceptionnelle, qui est particulièrement difficile», a détaillé jeudi soir sur France Info le ministre français de l'Agriculture Julien Denormandie, évoquant une «violence assez inédite».
Il faudra «quelques jours pour mesurer précisément l'ampleur des dégâts», a-t-il aussi déclaré jeudi sur Public Sénat.
Mais une chose est déjà sûre à ce stade, «les pertes sont importantes», a prévenu le ministre, estimant que c'est un «nouveau coup dur» dans un contexte «déjà difficile pour nos agriculteurs», notamment les viticulteurs qui ont vu «beaucoup de débouchés se fermer du fait du confinement».
«Au moment où cet épisode de froid sera passé, (...) nous allons nous réunir avec l'ensemble des filières pour évaluer précisément les dégâts, voir comment on peut apporter des soutiens», a déclaré M. Denormandie.
Déjà des appels à l'aide
La FNSEA «appelle à une réaction rapide des pouvoirs publics» qui doivent «envisager dès à présent les mesures d'indemnisation permettant à chacun de passer l'année difficile qui s'annonce».
Emmenés par la sénatrice de la Gironde Nathalie Delattre (Mouvement radical), les élus de la vigne et du vin ont appelé à «un véritable plan de sauvetage» de la filière viticole.
En outre, une trentaine de députés du groupe d'études «Vigne, vin et oenologie» de l'Assemblée ont adressé une tribune au ministre de l'Agriculture afin qu'il active «tous les outils collectifs qui existent pour diminuer l'impact d'une perte de production, mais aussi de réfléchir à des aides supplémentaires, afin d'éviter que des domaines disparaissent».
«Dans les cultures qu'on dit 'assurables', je pense par exemple aux vignes, à la grande culture, il va nous falloir mobiliser très fortement les assureurs», avait souligné jeudi matin M. Denormandie.
Pour les cas où les cultures ne sont pas assurées, «on va lancer notamment la mise en oeuvre du régime de calamité agricole», a promis jeudi soir le ministre sur France Info. Tout en ajoutant vouloir «étudier également les dispositifs fiscaux habituels».
Dans un communiqué, le syndicat agricole Modef demande que «les préfets réunissent en urgence le Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA) afin que les départements concernés puissent être reconnus au titre des calamités agricoles». Il souhaite «que l'Etat abonde le fonds des calamités agricoles à hauteur des besoins».
De son côté, le groupe Les Républicains au Sénat a appelé M. Denormandie «à faire rapidement un état des lieux et à mettre en oeuvre des mesures concrètes et exceptionnelles pour sauver les exploitations agricoles dans la tourmente».