ProcèsUn ex-agent du renseignement syrien condamné en Allemagne
ATS
24.2.2021 - 09:56
Un ancien membre des services de renseignement syrien a été condamné mercredi par la justice allemande à 4 ans et demi de prison pour complicité de crimes contre l'humanité. C'est le premier procès au monde lié aux exactions imputées au régime de Bachar al-Assad.
La Haute Cour régionale de Coblence a reconnu coupable le Syrien Eyad al-Gharib, 44 ans, d'avoir participé à l'arrestation en septembre ou octobre 2011 d'au moins 30 manifestants à Douma, près de Damas, et à leur transfert vers un centre de détention des services de renseignement. L'accusé s'est caché le visage face aux caméras avec un dossier et a écouté son verdict les bras croisés, le regard fixe, avec un masque médical sur le visage.
Le tribunal est resté en dessous des réquisitions du parquet. Ce dernier avait demandé cinq ans et demi.
A l'approche du dixième anniversaire du début du soulèvement populaire en Syrie le 15 mars 2011, c'est la première fois dans le monde qu'un tribunal se prononce sur un dossier lié à la répression brutale et sanglante par Damas des manifestations pour la liberté organisées dans le cadre des «Printemps arabes».
Deux procès
Eyad al-Gharib répondait de complicité de crimes contre l'humanité. Il était accusé d'avoir participé à l'arrestation et à l'incarcération dans un centre de détention secret du régime, «la branche 251» ou Al-Khatib, d'au moins 30 manifestants à l'issue d'un rassemblement à Douma, chef-lieu de la Ghouta orientale, en septembre ou octobre 2011.
Il a été le premier des deux accusés qui comparaissent depuis le 23 avril dernier devant la Haute Cour régionale de Coblence (ouest) à recevoir sa sentence. Les juges avaient choisi de scinder la procédure en deux.
Le second accusé, Anwar Raslan, 58 ans, considéré comme bien plus central dans le vaste appareil sécuritaire syrien, est poursuivi pour crimes contre l'humanité pour la mort de 58 personnes et la torture de 4000 détenus notamment. Le procès de cet ancien colonel devrait durer au moins jusqu'à la fin octobre.
Pour les juger, l'Allemagne applique le principe de la compétence universelle qui permet de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves quels que soient leur nationalité et l'endroit où les crimes ont été commis.
Diaspora
Les recours devant des juridictions nationales en Allemagne, en Suède ou en France se multiplient à l'initiative de l'importante diaspora syrienne réfugiée en Europe. Ils sont à l'heure actuelle la seule possibilité de juger les exactions perpétrées en Syrie en raison de la paralysie de la justice internationale.
Eyad al-Gharib officia dans les plus bas échelons du renseignement avant de déserter en 2012 puis finalement de fuir la Syrie en février 2013. Arrivé le 25 avril 2018 en Allemagne après une longue odyssée en Turquie puis en Grèce, il n'a jamais dissimulé son passé.
C'est même lorsqu'il a raconté son parcours sinueux aux autorités chargées de statuer sur sa demande d'asile que la justice allemande a commencé à s'intéresser à lui, ce qui a conduit à son interpellation en février 2019. L'accusation assure qu'il a été un rouage dans un système où la torture se pratiquait avec «une ampleur presque industrielle».
Resté dans l'ombre d'Anwar Raslan durant les 10 mois d'audience, Eyad al-Gharib a gardé le silence et caché son visage aux caméras. Il a néanmoins écrit une lettre dans laquelle il a exprimé sa peine pour les victimes.