Des années de litige pour escroquerieUn milliardaire russe perd contre un marchand d'art genevois et Sotheby's
dpa/dor/Trad
31.1.2024
Le riche entrepreneur Dmitri Rybolovlev a dépensé des milliards pour une collection d'art privée et se serait fait arnaquer par le marchand d'art genevois Yves Bouvier. La maison de vente aux enchères serait également complice. Un tribunal new-yorkais voit toutefois les choses différemment.
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31.01.2024, 09:28
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Un milliardaire et collectionneur d'art russe a essuyé une défaite dans une bataille juridique de plusieurs années concernant une prétendue fraude de la part de la maison de vente aux enchères Sotheby's - mais il a néanmoins le sentiment d'avoir gagné.
Un tribunal fédéral de New York a décidé mardi qu'aucune faute n'avait été prouvée venant de la maison de vente aux enchères, a rapporté le «New York Times». L'entrepreneur Dmitri Rybolovlev avait affirmé que Sotheby's avait aidé le marchand d'art genevois Yves Bouvier à l'escroquer de plus de 160 millions de dollars.
La maison de vente aux enchères s'est félicitée du jugement et a souligné «le respect des normes les plus élevées en matière d'intégrité, d'éthique et de professionnalisme dans tous les domaines du marché de l'art».
L'avocat de Rybolovlev, Daniel Kornstein, a déclaré que l'affaire était complexe et qu'il était difficile de prouver les accusations de complicité de fraude. «Cette affaire a atteint notre objectif de mettre en lumière le manque de transparence qui afflige le marché de l'art», a déclaré Kornstein. Il a appelé à des réformes qui «doivent être menées en dehors de la salle d'audience».
Picasso, Modigliani, Klimt...
Rybolovlev avait investi deux milliards de dollars entre 2002 et 2014 pour se constituer une collection d'art comprenant des œuvres de Pablo Picasso, Auguste Rodin, Amedeo Modigliani, Gustav Klimt, René Magritte et Leonardo da Vinci.
L'homme de 57 ans s'est tourné vers le marchand d'art Bouvier pour obtenir de l'aide. Bouvier a acheté quelques œuvres à Sotheby's, qu'il a ensuite revendues à Rybolovlev. Selon l'amateur d'art russe, le Suisse facturait alors secrètement d'importantes majorations - en plus d'une commission convenue de deux pour cent du prix d'achat.
Il aurait ainsi acheté le portrait du Christ «Salvator Mundi» de Léonard de Vinci chez Sotheby's pour 83 millions de dollars et l'aurait revendu le lendemain au milliardaire pour plus de 127 millions de dollars. Les avocats de Rybolovlev ont fait valoir que Sotheby's savait ou aurait dû savoir que le Russe avait été escroqué.
Une «bonne affaire», au final
Rybolovlev a déclaré au tribunal qu'il faisait confiance à Bouvier comme à un membre de sa famille et qu'il l'avait même invité à des fêtes d'anniversaire privées. Il ne s'agit pas pour lui «seulement d'argent», a déclaré le propriétaire et président du club de football AS Monaco à la barre par l'intermédiaire d'un interprète du tribunal. «Il est important que le marché de l'art soit plus transparent».
Car si la plus grande entreprise de ce secteur est impliquée dans de telles actions, «les clients n'ont aucune chance». L'avocate de Sotheby's, Sara Shudofsky, a rétorqué que l'homme d'affaires essayait «de faire payer à une partie innocente ce que quelqu'un d'autre lui a fait».
Rybolovlev n'aurait pas posé assez de questions à Bouvier ou n'aurait pas pris de mesures suffisantes pour se protéger de la fraude. Selon les avocats de Bouvier, Rybolovlev et Bouvier étaient parvenus à un accord en décembre dans ce litige qui dure depuis 2015, à des conditions non précisées. Le marchand d'art «rejette fermement toute accusation d'escroquerie».
Le ministère public genevois a classé la procédure pénale contre Bouvier en décembre dernier. Dmitri Rybolovlev a retiré sa plainte contre lui et les parties sont parvenues à un accord.
Rybolovlev a sans doute pu faire passer l'éventuel préjudice financier. En 2017, il a revendu le tableau de Vinci via Christie's pour 450 millions de dollars. «Salvator Mundi» est ainsi devenu le tableau le plus cher jamais vendu aux enchères.