Dégradation de l'environnement Une île indonésienne attaque Holcim en justice

nipa

12.7.2022 - 14:29

Holcim devrait indemniser les habitants de l'île indonésienne de Pulau Pari pour les dommages causés par le réchauffement climatique. Quatre d'entre eux ont déposé une requête de conciliation à Zoug face au géant du ciment, une première en Suisse.

L'île indonésienne de Pari est de plus en plus touchée par le réchauffement climatique, avertit l'EPER.
L'île indonésienne de Pari est de plus en plus touchée par le réchauffement climatique, avertit l'EPER.
ATS

Keystone-SDA, nipa

Sur cette petite île située au Nord-Ouest de Jakarta, l'élévation du niveau de la mer entraîne une augmentation des inondations qui endommagent les maisons, rues et commerces, affectant les revenus de ses habitants qui vivent principalement de la pêche et du tourisme.

Si les émissions mondiales de CO2 ne diminuent pas rapidement, dans 30 ans, l'île sera en grande partie sous l'eau, avertit un communiqué conjoint de l'Entraide Protestante Suisse (EPER), du European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR) et de l'organisation indonésienne pour l'environnement WALHI.

En raison de ses émissions de CO2 très élevées, le cimentier suisse Holcim est largement responsable de cette situation, accuse l'EPER. Or, les habitants de Pulau Pari doivent financer eux-mêmes les mesures de protection de leur île, alors qu'ils n'ont presque pas contribué aux changements climatiques.

«C'est vraiment injuste», a déclaré le pêcheur Edi Mulyono, lors d'une conférence de presse à Berne mardi, selon le communiqué. Les habitants subissent déjà des dommages concrets. «À cause des inondations, nous avons moins de clients, nos revenus diminuent», a raconté Asmania, qui possède une maison d'hôtes sur l'île.

Procédure civile

Quatre plaignantes et plaignants ont soumis lundi une requête de conciliation à Zoug, siège de l'entreprise. Il s'agit de la première étape d'une procédure civile ordinaire, qui mettra le groupe suisse spécialisé dans le ciment face à ses responsabilités, indique le communiqué.

Ils demandent une indemnisation proportionnelle aux dégâts déjà survenus en raison des changements climatiques et une participation financière aux mesures nécessaires de toute urgence pour protéger l’île des inondations.

Mais ce qu'ils réclament avant tout, «c'est une réduction rapide des émissions excessives de CO2 du groupe, afin de limiter, à l’avenir, les dégâts occasionnés», selon les trois organisations qui soutiennent l'action du groupe d'habitants.

Une première

L'île indonésienne débute la première procédure civile ordinaire engagée en Suisse contre une entreprise pour sa contribution aux changements climatiques. La procédure fait partie d'un mouvement plus large en Europe et dans le monde. «Une entreprise doit répondre des dommages qu'elle cause», souligne Nina Burri, responsable entreprises et droits humains à l'EPER.

En 2019, Holcim avait vendu ses activités en Indonésie au cimentier local Semen Indonesia. Mais le groupe fait partie des cinquante entreprises qui émettent le plus de CO2 au monde, argumente l'ONG, qui veut pousser Holcim à réduire son empreinte carbone.

Contacté par Keystone-ATS, Holcim n'a pas souhaité faire de commentaires, indiquant n'avoir pas été officiellement informé de la procédure en cours. Le groupe précise qu'il prend les questions climatiques «très au sérieux», qu'il est un des leaders en matière de décarbonisation dans sa branche et vise à devenir une entreprise «zéro émissions» d'ici 2050.