Le Qatar avant le Mondial de football Vacances au pays le plus riche du monde

dpa/tafi

10.4.2020

L’Etat désertique du Qatar, situé dans le golfe Persique, est un minuscule émirat richissime qui accueillera la Coupe du monde de football 2022. Les touristes doivent désormais venir. Comment se passent les vacances dans un pays ayant les moyens de tout s’offrir?

AVERTISSEMENT: Cet article a été écrit peu avant la crise du coronavirus

Les façades pastel de style Renaissance avec leurs petits balcons scintillent parfaitement. Un point de passage ressemblant au pont du Rialto de Venise en miniature s’étire à travers le canal. Le restaurant «Nova Venezia» fait la promotion de l’authentique cuisine italienne. Une caméra de surveillance et un haut-parleur Bose, duquel s’échappe la mélodie de «Right Here Waiting», sont accrochés au réverbère à l’aspect vieilli.

Une Rolls Royce s’arrête soudainement devant le café voisin. Une femme vêtue d’une abaya noire descend du véhicule. Elle porte de grandes lunettes de soleil et est maquillée chic. Un premier indice que nous ne sommes peut-être pas en Italie.

Quel endroit est-ce donc?

La petite Venise bien trop proprette est située sur The Pearl, une île artificielle à Doha, capitale de l’émirat du Qatar. Le quartier n’est qu’une petite partie de ce monde de perles, bordé d’hôtels de luxe, boutiques de prestige, ports de plaisance, villas en bord de mer, complexe d’appartements et restaurants gourmets. On compte jusqu’à 45 000 personnes vivant ensemble ici sur la «riviera arabe». Comme dans un décor de cinéma.

L’Etat désertique du Qatar s’élève comme un pouce sur le golfe Persique, mais l’étendue de terre apparemment insignifiante recèle un trésor. Du pétrole y a été découvert en 1939 suivi ultérieurement du gisement de gaz le plus important au monde, un véritable jackpot d’importance géostratégique.

Comparativement au pouvoir d’achat, la monarchie dispose du produit intérieur brut le plus élevé par habitant au monde. L’émir Tamim ben Hamad Al Thani n’a pas besoin de prélever d’impôts sur le revenu. Les sources de gaz ne sont pas encore prêtes de s’épuiser dans les décennies à venir.

Richesse excessive

Ce pays prospère aux allures féériques donc, grand à peu près comme les cantons du Valais et de Berne réunis, va organiser la Coupe du monde de football 2022. Ce projet d’envergure fait l’affaire d’un état souhaitant se mettre en valeur, évoluant partout à l’échelon international et possédant, avec Al Jazeera, son propre empire médiatique.

Les pays arabes voisins ont pourtant décrété un embargo total en 2017. Le Qatar soutient le terrorisme selon les reproches formulés. Les affaires ont été gelées, les vols suspendus, les diplomates expulsés. Pour cette raison, le Qatar redouble d’efforts pour attirer les touristes, et la Coupe du monde n’y est bien sûr également pas étrangère.

Problème d’image avec les travailleurs immigrés

L’émirat est depuis longtemps un lieu pour faire un stopover sur la route vers l’Asie grâce à sa compagnie aérienne de haut standing Qatar Airways. Des navires de croisière acheminent régulièrement des vacanciers à Doha. Mais ce n’est que grâce à la Coupe du Monde que le Qatar a attiré l’attention comme destination de voyage indépendante. Les touristes doivent voler seuls pour visiter le pays du Golfe.

L’événement sportif est quasiment à la fois une bénédiction et une malédiction pour l’image du pays. Depuis l’attribution discutable du Mondial 2010, les critiques s’élèvent contre les conditions de travail des ouvriers immigrés (surtout d’Inde, du Bangladesh et du Népal.

Les reproches: en plus de salaires misérables, il arrive parfois qu’ils ne soient pas payés durant des mois, les procédures de dépôt de plainte sont difficiles et sans conséquence et des personnes décèdent encore toujours sur les chantiers.

Faut-il voyager dans un pays qui pratique une sorte d’«esclavage moderne» comme on l’entend souvent dire? Nous aurions bien voulu parler de ce sujet avec le chef de l’autorité du tourisme, mais il annule l’entrevue prévue à Doha au dernier moment.

Les belles apparences

L’Allemande Tania Flecht, une des nombreuses personnes expatriées qui font marcher l’économie du pays, se charge d’organiser le programme touristique. Son mari travaille chez Qatar Airways, et elle comme guide touristique. Sur les quelque 2,7 millions de résidents, on ne compte qu’environ 300'000 Qataris.

Tania Flecht cherche manifestement à promouvoir une image positive du Qatar et à éviter les propos critiquables. Elle dit «notre émir» lorsqu’elle évoque le chef de l’état. Les Qataris auraient bénéficié d’«aide du sous-continent» lors de la construction du pays. Concernant le sort des travailleurs immigrés, elle affirme au passage qu’«ils ont tous un toit au-dessus de leur tête».

Sur les «vêtements décents» des femmes indigènes, elle indique qu’«elles les portent de leur propre gré». Les mariages arrangés par les parents? «Il s’agit simplement d’une autre culture que nous ne comprenons pas».

On peut donc en conclure qu’un voyage au Qatar n’implique pas obligatoirement ces aspects-là. La publicité est faite autour des musées spectaculaires et des joyaux architecturaux, des centres commerciaux, du souk et du désert.

Un musée tel un cristal du désert

En mars 2019, le nouveau Musée national a été inauguré. Le bâtiment conçu par l’architecte réputé Jean Nouvel, déjà à l’origine du Louvre Abu Dhabi, est inspiré d’une rose des sables. Aucune des fenêtres ne se ressemblent entre elles. Coûts à prévoir: peu importe.

De vastes espaces intérieurs, des écrans de projection géants, des centaines de projecteurs à prix fort: tout est top niveau du point de vue technique. Les coûts de construction sont supposés s’élever à 430 millions de francs suisses.

Les visiteurs apprennent par exemple des informations relatives à l’histoire de la région avant le boom pétrolier. Les pêcheurs de perles plongeaient chaque jour jusqu’à 50 fois sans lunettes, avec de nombreux devenus aveugles. L’attraction exceptionnelle de la collection est un tapis du 19e siècle brodé de 1,5 million de perles et serti d’émeraudes, de diamants et de saphirs.

Le musée d’Art islamique, œuvre de I.M. Pei, attire des visiteurs depuis 2008 déjà. Il est possible d’y voir entre autres des tapis d’une extrême beauté, des céramiques, des documents écrits historiques ainsi que des armes provenant de l’ensemble du monde islamique. Là, vous pouvez voir de beaux tapis, céramiques, documents historiques et armes de partout dans le monde islamique.

Le verre de très haute qualité de la vitrine réfléchit si peu qu’on ne le distingue presque pas et qu’on s’y cogne facilement la tête. Au dernier étage se trouve un restaurant auquel le grand chef Alain Ducasse a prêté son prestigieux nom.

Education City: la «vision 2030» du Qatar

La culture et l’éducation sont deux piliers de la «Vision 2030» que le Qatar a proclamée il y a quelques années. On ne peut apercevoir ailleurs de phénomène aussi impressionnant qu’à Education City, née de l’initiative de Moza bint Nasser al-Missned, la seconde épouse de l’ancien émir.

Huit hautes écoles sont établies dans le quartier, six sont des filiales d’universités américaines renommées. Le 70% des étudiants sont des femmes, ceci étant dû au fait qu’en général les fils partent étudier à l’étranger.

La Bibliothèque nationale d’Education City, comptant plus d’un million de livres, attire véritablement les regards. Des œuvres de valeur historique, que l’on peut directement étudier sur place, se trouvent derrière une vitre dans un sous-sol ouvert en marbre iranien.

L’idée est de regarder depuis le sous-sol comme si l’on explorait un site archéologique. Tous les objets importants de l’histoire du Qatar doivent être archivés électroniquement dans une bibliothèque numérique.

La mosquée voisine d’Education City apparaît tout aussi futuriste qu’on ne l’identifierait pas comme telle de prime abord. Pas de minarets de style islamique, pas de salle de prière richement décorée. Du minimalisme à l’état pur.

L’art controversé

Devant le Sidra Medical and Research Center, l’une des cliniques les plus chères du monde, des sculptures en bronze de 14 tonnes attirent toute l’attention. Une fois encore, un grand nom se cache derrière: Damien Hirst. «Le Voyage Miraculeux» montre explicitement les étapes de la grossesse, de la fécondation de l’ovule au nouveau-né.

Lorsque l’œuvre a été dévoilée pour la première fois en 2013, il y a eu un tollé sur les réseaux sociaux. Au début, les personnages ont été à nouveau voilés, soi-disant pour les protéger de travaux de construction.

Le quartier des affaires de West Bay avec les ministères, les banques et les immeubles de bureaux est moins digne d’intérêt. Ici aussi, des architectes renommés ont été embauchés. On se promène dans les centres commerciaux, qui, comme les hôtels, sont les lieux d’échanges sociaux du Qatar.

Du point de vue touristique, les gratte-ciels ont leur importance car ils forment la ligne d’horizon de Doha, chose dont toute ville cosmopolite doit disposer.

Rien n’est naturel

On trouve plus au nord le jardin des collines de Katara, l’un des rares endroits verts de Doha. Au sommet de la colline se trouvent des tentes où vous pourrez profiter de la soirée avec un narguilé.

Un jeune Indien arrose justement les plantes et ratisse la pelouse pour rassembler les feuilles au sol. Il dit venir d’Hyderabad et se trouve au Qatar depuis neuf mois. «Je n’aime pas vraiment le Qatar. Rien n’est naturel ici». Il montre la pelouse. «Si nous n’arrosions pas ici, tout deviendrait sec en un jour». La nature de l’Inde lui manque. Et le salaire aussi n’est pas vraiment élevé. Bientôt, il rentrera chez lui.

À la recherche d’une crêpe chocolat au souk

Les visiteurs recherchant de l’animation à l’extérieur des hôtels au Qatar devraient se rendre le soir venu au souk Waqif avec son marché aux oiseaux dans le quartier commerçant. On se promène dans d’étroites ruelles, devant des magasins avantageusement éclairés.

En plus des vêtements et des bijoux, on y trouve aussi des outils, de l’électronique et des jouets. Les touristes fréquentent les jolis restaurants, les travailleurs immigrés s’entassent dans des snacks où le café coûte trois rials (environ 80 centimes). Sur une place, des mini-stands proposent des crêpes au chocolat.

Le souk est situé à proximité immédiate de la Corniche. Lors de la fête nationale, un grand défilé parcourt toujours l’esplanade centrale le long du rivage. Dans le port, d’innombrables dhows (ndlr: type de voilier arabe traditionnel) sont amarrés, prêts à être loués. Les vieux bateaux devant la ligne d’horizon: voilà un des sujets de photographie qui peut témoigner de la juxtaposition tant évoquée entre «tradition et modernité». Au Qatar, les traditions sont cependant davantage exposées dans les musées ou dans des cercles fermés.

Le pays reste insaisissable

Quelles impressions a-t-on en rentrant d’un voyage au Qatar? Le pays demeure étrangement insaisissable. Cette situation est aussi due au fait qu’il est pratiquement impossible pour un touriste de dialoguer avec les Qataris. La population indigène reste à l’écart.

La guide de voyage Tania Flecht, qui réside dans un quartier voisin d’expatriés, avoue également qu’elle n’a aucun ami qatari: «Ils habitent tous ailleurs».

Cet aéroport est probablement le plus propre et le plus calme au monde

Les 10 erreurs historiques du football

Retour à la page d'accueil