Affaire Théo Luhaka Un an de prison avec sursis pour le policier auteur du coup de matraque

ATS

19.1.2024 - 21:52

Trois policiers ont été condamnés à des peines allant de 3 à 12 mois de prison avec sursis vendredi en région parisienne pour l'interpellation violente en 2017 d'un jeune homme noir. L'affaire a été érigée en symbole des violences policières en France.

Theo Luhaka (au centre) quittant le Palais de Justice après avoir entendu le verdict à Bobigny, près de Paris, ce 19 janvier 2024.
Theo Luhaka (au centre) quittant le Palais de Justice après avoir entendu le verdict à Bobigny, près de Paris, ce 19 janvier 2024.
KEYSTONE

Ce jeune homme, Théo Luhaka, aujourd'hui âgé de 29 ans, a été grièvement blessé à l'anus avec une matraque télescopique et en garde des séquelles irréversibles.

Après plus de neuf heures de délibéré, le gardien de la paix Marc-Antoine Castelain a été reconnu coupable du coup de matraque ayant grièvement blessé le jeune homme. La cour d'assises de Seine-Saint-Denis l'a condamné à 12 mois de prison avec sursis et une interdiction d'exercer sur la voie publique pendant 5 ans.

Des peines de 3 mois de prison avec sursis ont été prononcées à l'encontre de deux de ses collègues pour violences volontaires.

L'avocat général avait requis des peines allant de trois mois à trois ans de prison avec sursis. La cour n'a pas retenu la qualification «de violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou infirmité permanente».

Une «victoire»

Dans une ambiance tendue, le verdict a été prononcé dans une salle comble, où avaient pris place les soutiens de Théo et des policiers en civil.

A sa sortie de la cour, Théo Luhaka a été accueilli par une salve d'applaudissements. «C'est une décision d'apaisement que nous prenons comme une victoire», a déclaré en réaction Me Antoine Vey, avocat de la partie civile.

«Du ferme pour la police!», ont scandé des militants luttant contre les violences policières, en dénonçant «des mascarades» et en tenant des affiches montrant les visages de personnes décédées à la suite d'interventions policières.

«Le message envoyé à la police c'est 'vous pouvez mutiler, tuer, vous aurez du sursis'», a tancé Amal Bentounsi, fondatrice du collectif «Urgence la police assassine».

Vie brisée

Théo Luhaka avait été interpellé par les trois fonctionnaires le 2 février 2017 dans une cité de Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de France métropolitaine.

Selon les images filmées par les caméras de la ville, le jeune homme s'oppose à son interpellation et, au cours d'une empoignade, M. Castelain porte un coup avec la pointe de son bâton télescopique de défense à travers le caleçon de la victime. Ce coup provoque la rupture de son sphincter et une plaie de dix centimètres de profondeur.

L'affaire eut un retentissement national et le président de l'époque, François Hollande (socialiste), était allé rendre visite à Théo Luhaka pendant sa convalescence à l'hôpital.

Malgré deux opérations chirurgicales, ce dernier souffre depuis d'incontinence et garde des séquelles irréversibles, selon les experts médicaux. Il avait confié s'être «senti violé» au cours du procès.

Le fonctionnaire de police avait exprimé sa «compassion» pour la victime, mais avait estimé qu'il s'agissait d'un «coup légitime», «enseigné à l'école». A ce geste, s'ajoutent des tirs de gaz lacrymogène, des coups de genou et de poing portés par les gardiens de la paix quand Théo était menotté au sol.

Usage de la force

Une enquête administrative de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait conclu à «un usage disproportionné de la force» tandis que dans un rapport indépendant, le Défenseur des droits avait dénoncé «l'accumulation de manquements» dans cette affaire.

L'avocat de Marc-Antoine Castelain a estimé en sortant de la salle d'audience que «pour la première fois aux yeux de la France entière, il est établi le fait, comme il le dit depuis le premier jour, qu'il n'est pas un criminel». «C'est l'immense soulagement», a-t-il aussi dit.

Les trois agents ont été mutés dans leurs régions d'origine. La préfecture de police pourrait prononcer «d'éventuelles sanctions disciplinaires» à l'issue de la décision judiciaire. Le principal condamné risque la radiation.

Depuis cette affaire, le débat sur le maintien de l'ordre et l'usage de la force n'a cessé de resurgir, comme en juin dernier, avec la mort de Nahel, un jeune de 17 ans tué lors d'un contrôle routier par un tir de police et dont la mort avait entraîné une semaine d'émeutes.