Terrible fléau «Vous sentez l'odeur ?» - Des élevages de brebis décimés en France

AFP

9.8.2024

«Ça fait plus que mal»: Thierry Vergé, éleveur en Ariège, regarde avec tristesse ses brebis épuisées par la fièvre catarrhale (FCO) qui a tué des milliers d'ovins ces dernières semaines dans le sud de la France.

La fièvre catarrhale (FCO) a tué des milliers d'ovins ces dernières semaines dans le sud de la France.
La fièvre catarrhale (FCO) a tué des milliers d'ovins ces dernières semaines dans le sud de la France.
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«Vous sentez l'odeur?», demande son frère Jean-Noël, avec qui il partage un élevage près de Saint-Félix-de-Rieutord, dans le piémont pyrénéen. Devant la bergerie surchauffée par le soleil de plomb, à quelques mètres de l'endroit où ils avaient déposé des brebis mortes, déjà parties à l'équarrissage, l'odeur reste irrespirable.

Alors que l'arrivée en France d'un nouveau type de FCO, à savoir le sérotype 3, a été confirmée cette semaine dans le département du Nord, le sérotype 8, présent dans le pays depuis 2006, frappe fortement les Pyrénées-Orientales depuis juin, d'où il a progressé de l'est vers l'ouest, touchant également l'Aude et l'Ariège.

«A ce stade, nous avons d'ores et déjà 4.000 brebis mortes dans les trois départements, et on pense atteindre les 6.000 d'ici la fin du mois», sur un total de 15.000 dans les Pyrénées-Orientales, 75.000 en Ariège et 40.000 dans l'Aude, estime Myriam Cormary, directrice de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales.

Aucune donnée n'a été livrée au niveau national sur les cas de FCO recensés dans le sud du pays. Sollicité par l'AFP, le ministère de l'Agriculture n'a pas répondu.

Impact économique

«Il y a un impact sur la mortalité, mais il y a un risque pour la productivité et la fertilité», avertit Myriam Cormary. «La maladie est très impactante sur les petits élevages lait et viande, avec une mortalité importante, et dans certains cas un arrêt de la production de lait ou de fromage», observe Philippe Lacube, président de la chambre d'agriculture d'Ariège.

Les exploitations ovines étant déjà en difficulté financière pour la plupart, souligne-t-il, «on aura besoin d'indemnisations du ministère, sinon, des éleveurs vont arrêter». Le syndicat agricole FNSEA a adressé au gouvernement une demande en ce sens.

Selon Philippe Lacube, «la maladie est moins présente en altitude, donc les troupeaux en estive dans les Pyrénées sont moins concernés». C'est bien ce que constate Sébastien Guenec, éleveur de brebis à Axiat, également en Ariège. Alors que les 290 bêtes passant l'été dans les hauts pâturages n'ont pratiquement pas été touchées, il a «perdu la moitié» des 45 restées «en bas à la ferme», raconte-t-il à l'AFP.

Dans le département du Nord, un nouveau variant de la maladie, de sérotype 3, a été recensé cette semaine. Les éleveurs redoutent une expansion «dramatique».

Un vaccin existe pour le variant du sérotype 8, présent dans trois départements du sud de la France, que nombre d'éleveurs ont administré à leur troupeau, avec des résultats concluants. Seulement, font valoir les frères Vergé, le vaccin n'était pas disponible en nombre suffisant au moment où ils en avaient besoin.

«Il y a eu des périodes où il était difficile de se fournir en vaccins», indique Elodie Reversat, directrice du groupement de défense sanitaire (GDS) de l'Ariège, une association qui affirme rassembler la presque totalité du millier d'élevages ovins du département.

«Arrivé trop tard»

«Quand nous avons demandé le vaccin, il n'y en avait pas. Quand il est arrivé, il était trop tard pour nous», car le troupeau était déjà touché, précise Thierry Vergé.

Dans la bergerie, les deux frères tiennent sans grande difficulté une brebis désormais incapable de résister, avant de lui injecter des anti-inflammatoires pour tenter de la soigner. Un traitement conseillé par l'un des participants d'un groupe WhatsApp d'éleveurs. Une cinquantaine de leurs 600 brebis sont mortes de FCO et, estiment-ils, près de 80% des restantes sont touchées par la maladie.

A quelques centaines de mètres de la bergerie devenue fournaise, sous un bois en forte pente, plusieurs dizaines de brebis s'abritent du soleil de plomb.

«Regardez, elle du mal à marcher», signale Jean-Noël Vergé, en montrant une brebis malade, avant de repérer, un peu plus loin, une autre isolée, presque incapable de bouger. «Elles s'isolent pour mourir», explique-t-il.