Près de trois femmes journalistes sur quatre affirment avoir été victimes de violences en ligne et 20% d'avoir souffert du prolongement de ces attaques dans leur vie réelle. Tels sont les résultats d'une étude mondiale menée par l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco).
La violence en ligne envers les femmes journalistes varie entre «des attaques à grande échelle ou des menaces extrêmes à un moment donné» et «des agressions constantes d'un niveau inférieur» sur les réseaux, constate l'Unesco dans une vaste étude publiée vendredi.
Celle-ci comprend une enquête mondiale menée auprès de 901 journalistes originaires de 125 pays étayée par 173 entretiens approfondis, 15 études de cas par pays et l'analyse de plus de 2,5 millions de messages Facebook et Twitter visant deux journalistes d'investigation, la Britannique Carole Cadwalladr et l'Americano-philippine Maria Ressa, lauréate 2021 du Prix mondial de la liberté de la presse Unesco/Guillermo Cano.
«La misogynie s'ajoute à d'autres formes de discriminations: les femmes journalistes noires, lesbiennes ou d'une certaine religion, par exemple, subissent beaucoup plus de discriminations», constate auprès de l'AFP Saorla McCabe, conseillère principale pour le développement de la communication, de l'information et des médias à l'Unesco.
Quand 64% des journalistes blanches déclarent avoir subi des violences en ligne, ce taux bondit à 81% pour les journalistes noires. Même constat en termes d'orientation sexuelle: les attaques en ligne ont touché 72% des journalistes hétérosexuelles contre 88% des journalistes lesbiennes.
Au-dessous de la ceinture
Les attaques subies par les femmes journalistes sont «soit sexistes, soit sexualisées», elles sont «très souvent axées sur des caractéristiques personnelles comme leur physique, leur origine ethnique ou culturelle plutôt que sur le contenu de leur travail», précise Saorla McCabe.
Ces cyberviolences rejaillissent aussi dans le monde physique: 20% des journalistes interrogées affirment avoir subi des agressions, injures et harcèlement hors ligne liés aux cyberattaques. Ce taux bondit à 53% pour les femmes journalistes arabes, d'après l'Unesco.
A la clé aussi, un impact sur la santé psychique pour 26% des journalistes interrogées (certaines souffrent de stress post-traumatique) et le risque d'auto-censure sur les réseaux sociaux (30% des journalistes interrogées).
Via les réseaux sociaux
D'où la question de la responsabilité des réseaux sociaux, identifiés dans l'étude comme «les principaux vecteurs» de cette cyberviolence, Facebook et Twitter étant les plus utilisés par les journalistes.
«Une plus grande transparence» sur la manière «dont ces attaques sont gérées par les processus de modération» des différentes plateformes et sur les algorithmes «serait nécessaire», conclut Saorla McCabe.