«Tout sauf Poutine»A Belgrade, ceux qui ont fui la Russie se préparent à voter
ATS
13.3.2024 - 08:30
Il a fui la Russie il y a bientôt deux ans, aucun candidat ne lui plait. Mais Konstantin ira quand même voter à l'élection présidentielle russe, une façon pour ce nouvel habitant de Belgrade de garder un lien, même ténu, avec son pays.
13.03.2024, 08:30
ATS
Installé dans un petit appartement de la capitale serbe, ce militant de 26 ans, qui refuse de donner son nom de famille, ne regrette pas une seconde d'avoir fui la Russie. Peu d'argent, une nouvelle ville, un nouveau pays... les derniers mois n'ont pas toujours été roses. Mais cette nouvelle vie lui a offert une liberté d'expression inimaginable en Russie.
«Ce n'est pas une question, c'est un fait», explique-t-il à l'AFP, ravi de décrire ses libertés retrouvées en exil. «En Russie, vous êtes arrêté pour n'importe quoi». «Ces élections ne sont pas des élections démocratiques. Ce sont des élections autoritaires», explique Konstantin – qui, s'il l'avait pu, aurait voté pour l'opposant russe Boris Nadejdine – dont la candidature à la présidentielle n'a pas été autorisée par les autorités.
A la place, Konstantin ira voter blanc, en signe de protestation. Comme en Russie, les élections devraient se tenir du 15 au 17 mars, à l'ambassade. Au total, 280 bureaux de vote seront ouverts à l'étranger. Viktor, 35 ans, a lui choisi de s'installer à Novi Sad, dans le nord de la Serbie. Il ira voter, comme son compatriote. «C'est mon devoir de citoyen. Je voterai pour n'importe qui, sauf Poutine».
Peur
La Serbie est devenue un refuge pour une partie de la diaspora russe, qui y a ouvert des restaurants, des entreprises, des bars... Et trouvé un espace pour protester contre la politique de Moscou.
Ces derniers mois, des Russes ont organisé des manifestations contre la guerre en Ukraine, diffusé des pétitions pour la candidature de Boris Nadejdine, ou appelé à des rassemblements en hommage à l'opposant Alexeï Navalny, mort en prison en février. «Ici, vous pouvez aller dans la rue et prononcer les mots que je suis en train de prononcer», s'émeut Ksenia Kouznetsova, une ressortissante russe de 33 ans rencontrée lors d'une manifestation contre la guerre en Ukraine.
«Mes amis, ma famille en Russie, ils n'ont pas la parole. Alors je me sens obligée de parler pour eux. Nous sommes toujours des citoyens russes et ils ne peuvent pas nous voler cela», ajoute la jeune femme – qui hésite quand même encore à aller voter. Elle craint qu'entrer dans l'ambassade ne la mette en danger.
Car derrière les petites libertés savourées, le régime serbe – qui n'a jamais imposé de sanctions à la Russie, et entretien des relations plutôt cordiales avec Moscou, n'a pas hésité à retirer leurs visas à certains citoyens russes, ou menacé de le faire. Elena Kopossova et sa famille, en Serbie depuis 5 ans, en ont fait l'expérience, lorsque l'administration a laissé entendre que leur permis de résidence pourrait être refusé.
«Système pas honnête»
«Nous sommes respectueux des lois, nous sommes des gens très tranquilles», explique Mme Kopossova à l'AFP. «Je n'ai jamais fait de politique. Ni en Serbie, ni en Russie». A une exception près: Elena a signé une pétition contre la guerre juste après l'invasion russe en Ukraine.
C'est cette signature, croit-elle, qui a pu attirer l'attention des services de renseignement russes, qui auraient pu faire pression sur leurs partenaires serbes. Son cas a secoué la communauté russe en Serbie, déjà ébranlée par plusieurs affaires similaires. A l'automne, un organisateur de concerts avait ainsi dû quitter le pays, les autorités refusant de renouveler son visa.
«Ils ne veulent vraiment pas que les gens en dehors de la Russie disent quoi que ce soit contre la guerre», pense Elena Kopossova. «D'autres personnes vont entendre parler de cette histoire, et ils auront désormais peur de dire quoi que ce soit». Cela n'empêchera pas Alex Maddalena, 44 ans, d'aller voter. «J'irai, mais ça ne veut pas dire que je fais confiance au système électoral russe. Je suis même sûr qu'il n'est pas honnête».