ONU Accord historique pour éviter la biopiraterie des autochtones

ats

24.5.2024 - 06:58

Le savoir des autochtones est désormais dans le système mondial de propriété intellectuelle. Après plus de 20 ans de négociations, un traité contre la biopiraterie a été arraché vendredi entre environ 190 pays à l'ONU à Genève, sans régler la protection des ressources.

Le directeur général de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle estime "historique" le nouveau traité obtenu à Genève (archives).
Le directeur général de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle estime "historique" le nouveau traité obtenu à Genève (archives).
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Selon le directeur général de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), Daren Tang, l'accord est «historique sur de nombreux points». «Nous attendions cela depuis 25 ans», a estimé de son côté le président de la conférence diplomatique, l'ambassadeur brésilien à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) Guilherme de Aguiar Patriota.

Ce traité, arraché dans la nuit de jeudi à vendredi après une conférence diplomatique de dix jours pour le finaliser, est le premier en plus de dix ans au sein de l'OMPI. Surtout, pour la première fois, les communautés autochtones sont citées en tant que telles dans le système multilatéral de protection des innovations.

Un succès, dans les efforts internationaux de décolonisation, qui vient battre en brèche les accusations contre un système de protection individuelle qui serait surtout un instrument pour les Occidentaux, selon des sources convergentes. Mais certains diplomates estiment que le changement est surtout «politique» et «symbolique».

Les déposants de brevets devront désormais dévoiler le pays des ressources génétiques de leur innovation et le peuple autochtone ayant relayé le savoir-faire associé. Les entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques notamment devront afficher la provenance des plantes médicinales, les cultures agricoles ou des animaux qu'elles utilisent.

Sanctions en cas de fraude avérée

De quoi éviter une biopiraterie. Seuls quelques dizaines de pays, dont la Suisse, avaient jusqu'ici des exigences de déclaration, mais souvent sans obligation. Si les entreprises ne savent pas d'où viennent ces ressources, elles devront faire une déclaration dans ce sens.

Et si elles fraudent, selon un tribunal de leur juridiction, et seulement dans ce cas, ils pourraient se voir révoquer un brevet attribué. Chaque Etat peut décider d'autres sanctions si le requérant ne relaie pas les indications. Pour la Suisse, l'intégrité des brevets était le plus important.

Une cérémonie de signature est prévue vendredi après-midi pour les Etats qui souhaitent s'engager à le ratifier plus tard. Il aura fallu près de 25 ans depuis les premières approches d'ONG et plus de 20 ans de négociations pour aboutir à cet arrangement. Et convaincre les peuples autochtones de s'associer aux discussions parce qu'ils pouvaient être entendus. L'accord est «le meilleur compromis possible», selon M. Patriota.

Mais certains pays du sud et les organisations internationales qui les représentent, notamment le South Centre à Genève, auraient souhaité davantage. Le groupe africain avait tenté en vain de remettre sur la table la question du partage des avantages des innovations.

Quinze ratifications

Mais le projet de texte qui avait déjà été âprement négocié avant cette conférence diplomatique écartait déjà celle-ci. La Suisse avait clairement rétorqué au début de la rencontre que d'autres institutions abordaient déjà ce problème, notamment le Protocole de Nagoya à la Convention sur la diversité biologique.

La protection de ces ressources génétiques et du savoir traditionnel n'est pas garantie non plus, a déploré le South Centre. Il avait repris une suggestion du Japon en exigeant une base de données mondiale, pilotée par l'OMPI, qui rassemblerait toutes les demandes de brevet qui mentionnent des ressources génétiques et des savoirs traditionnels dans les différents pays.

Cet outil ne se trouve pas de manière contraignante dans l'accord. Chaque partie pourra en mettre en place un en consultation avec les communautés autochtones, dit toutefois celui-ci. L'arrangement entrera en vigueur trois mois après la ratification par quinze Etats. Et il devra ensuite être évalué lors des assemblées des parties à l'accord.