Colauréat du NobelAles Bialiatski condamné à 10 ans de prison
ATS
3.3.2023 - 11:58
Un tribunal de Minsk a condamné vendredi à 10 ans de prison le militant Ales Bialiatski, a indiqué son ONG. Colauréat du prix Nobel de la paix 2022, M. Bialiatski est aussi une figure incontournable du mouvement démocratique au Bélarus.
Keystone-SDA
03.03.2023, 11:58
03.03.2023, 13:22
ATS
Dans un communiqué, l'organisation Viasna précise que deux collaborateurs de M. Bialiatski, arrêtés comme lui en juillet 2021 et jugés à ses côtés, Valentin Stefanovitch et Vladimir Labkovitch, ont, eux, été condamnés respectivement à neuf et sept ans de prison.
Un quatrième accusé, Dmitri Soloviev, jugé par contumace après avoir fui en Pologne, a lui reçu une peine de huit ans de prison. Ils ont par ailleurs été tous condamnés à une amende de 185'000 roubles bélarusses (69'000 euros).
Répression implacable
Ce lourd verdict s'inscrit dans une nouvelle série de procès visant militants, journalistes et opposants, réprimés implacablement depuis le mouvement de protestation de l'été 2020.
Ces protestations, déclenchées après la réélection controversée du président Alexandre Loukachenko, accusé de fraudes massives, ont été matées avec des milliers d'arrestations, de cas de tortures, plusieurs décès de manifestants, de lourdes peines et des exils forcés.
A l'automne dernier, M. Bialiatski, dont le nom est parfois orthographié Beliatski, a reçu le prix Nobel de la paix avec deux autres organisations de défense des droits humains, Memorial (Russie) et le Centre pour les libertés civiles (Ukraine).
Le militant, âgé de 60 ans, a fondé et animé pendant des années Viasna, le principal groupe de défense des droits humains dans ce régime autoritaire dirigé depuis 1994 par l'indéboulonnable Loukachenko.
Documentation des répressions
Pendant les manifestants de 2020, l'ONG Viasna avait joué un rôle-clé dans la documentation des répressions et des arrestations visant les protestataires.
Ales Bialiatski et ses collègues sont accusés d'avoir fait entrer de grandes quantités d'argent liquide au Bélarus et d'avoir financé des actions collectives portant «grandement atteinte à l'ordre public».
«Injustice honteuse», «farce»
Après le verdict, la principale opposante en exil, Svetlana Tikhanovskaïa, a dénoncé une «injustice honteuse». A Genève, le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme s'est dit «perturbé» par le procès des activistes bélarusses. Il a à plusieurs reprises dénoncé le manque d'accès à un procès équitable.
La ministre allemande des Affaires étrangère Annalena Baerbock a elle qualifé de «farce» le procès contre Ales Bialiatski. «Le prix Nobel de la paix Ales Bialiatski, ainsi que Valentin Stefanovitch et Vladimir Labkovitch ont été condamnés aujourd'hui à de longues peines de prison seulement en raison de leur engagement pour le droit, la dignité et la liberté des gens au Belarus», a-t-elle déclaré sur son compte twitter. «L'accusation et la procédure ont été une farce», a-t-elle dénoncé.
Menottes aux poignets
Les trois hommes avaient plaidé non coupable. Lors des audiences et au verdict, ils ont été obligés de porter des menottes aux poignets, la cour ayant refusé de les faire retirer.
Ales Bialiatski avait déjà passé près de trois ans en prison au Bélarus, entre 2011 et 2014, après avoir été condamné dans une autre affaire dénoncée comme politique.
Près de 1500 prisonniers politiques
Le Bélarus comptait 1461 prisonniers politiques au 1er mars, selon Viasna. Les Occidentaux ont adopté plusieurs trains de sanctions contre Minsk pour la répression des manifestations de 2020, mais le régime jouit toujours du soutien indéfectible de Moscou.
Le Bélarus a accepté en retour de servir de base arrière aux troupes russes pour attaquer l'Ukraine en février 2022. Mais l'armée bélarusse n'a pas pris part directement, jusqu'à présent, aux combats.
Procès à la chaîne
Outre le procès de Viasna, d'autres visent actuellement des militants du mouvement démocratique au Bélarus. La figure de l'opposition, Svetlana Tikhanovskaïa, en exil, ainsi que plusieurs de ses collaborateurs, sont actuellement jugés par contumace.
Plusieurs journalistes du site internet Tut.by, le principal média indépendant du Bélarus, restés au pays et emprisonnés, sont également jugés. Ils sont accusés notamment d'évasion fiscale et d'incitation à la haine et risquent de très lourdes peines.
En février, un journaliste et militant bélarusso-polonais Andrzej Poczobut, a lui été condamné à huit ans de prison, suscitant les protestations de Varsovie. Le procès des trois fondateurs du média d'opposition Nexta, qui a joué un rôle important dans la contestation de 2020, s'est également ouvert mi-février.
Deux d'entre eux sont jugés par contumace, le troisième, Roman Protassevitch, a été ramené de force au Bélarus en mai 2021, après le détournement vers Minsk d'un avion de ligne à bord duquel il voyageait.
M. Protassevitch a accepté de collaborer avec les autorités, tandis que sa compagne, Sofia Sapega, qui avait été arrêtée avec lui, a été condamnée à six ans de prison.