Etats-Unis Qui est Amy Coney Barrett?

De Philipp Dahm

24.10.2020

Amy Coney Barrett
Amy Coney Barrett
Patrick Semansky/AP/dpa

La nomination d’Amy Coney Barrett offrirait aux conservateurs une majorité des deux tiers à la Cour suprême des Etats-Unis. Encore jeune et fervente religieuse, elle est appelée à remplacer la juge Ruth Bader Ginsburg, récemment décédée.



Le Sénat a franchi jeudi un premier cap dans la confirmation de la juge nommée par Donald Trump à la Cour suprême. Les démocrates n'étaient pas présents: ils ont boycotté un processus jugé «illégitime» si près du scrutin du 3 novembre.

Les douze élus républicains de la commission judiciaire du Sénat ont voté pour transmettre le dossier d'Amy Coney Barrett à l'ensemble de la chambre haute du Congrès avec un avis «favorable». Ce vote de procédure ouvre la voie à un vote final en séance plénière, peut-être dès lundi.

Qui est donc Amy Coney Barrett, que Donald Trump a nommée au poste de juge à la veille des élections – et ce, malgré toutes les critiques formulées au sujet du timing?

Une chose est sûre: sa nomination, qui ne semble être qu’une question de temps étant donné la majorité au Sénat, aurait probablement un impact à long terme, puisque comme les juges de la Cour suprême sont nommés à vie, la magistrate de 48 ans pourrait y rester longtemps.

Baignée dans la religion dès le berceau

L’avocate a derrière elle la carrière idéale d’une chrétienne conservatrice. Amy Vivian Coney voit le jour le 28 janvier 1972 à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Sa mère Linda est professeure de français dans un établissement secondaire, alors que son père Michael est avocat pour le géant du pétrole Shell, très actif dans la ville bordant le golfe du Mexique. Amy est ensuite rejointe par cinq sœurs et un frère.

Le président Donald Trump se dirige en compagnie d’Amy Coney Barrett vers la roseraie de la Maison-Blanche pour la nommer à la succession de Ruth Bader Ginsburg, le 26 septembre, jour de sa contamination au coronavirus. En arrière-plan, on aperçoit Melania Trump.
Le président Donald Trump se dirige en compagnie d’Amy Coney Barrett vers la roseraie de la Maison-Blanche pour la nommer à la succession de Ruth Bader Ginsburg, le 26 septembre, jour de sa contamination au coronavirus. En arrière-plan, on aperçoit Melania Trump.
Keystone

L’Eglise joue dès le départ un rôle important dans la vie de la fillette. Alors qu’Amy a dix ans, son père devient diacre. Elle fréquente ensuite un établissement secondaire catholique ainsi que le Rhodes College de Memphis (Tennessee), un établissement fortement marqué par l’Eglise. En 1994, elle obtient son diplôme de licence en littérature anglaise avec mention – sans oublier d’intégrer des confréries étudiantes influentes telles qu’Omicron Delta Kappa et Phi Beta Kappa, bien entendu.

Ce n’est qu’alors que la jeune femme de 22 ans se tourne vers le droit: grâce à une bourse, elle termine ses études de droit à l’université catholique privée Notre-Dame, près de South Bend (Indiana), et réussit son examen de doctorat avec la plus haute mention. Son camarade Jesse Barrett obtient son diplôme en même temps qu’elle en 1997. Deux ans plus tard, Amy Coney le rejoint devant l’autel.

Sept enfants – et les honneurs

Son mari Jesse est associé dans un cabinet d’avocats à South Bend et retournera comme son épouse à la faculté de droit de Notre-Dame pour y enseigner. Le couple donne naissance à quatre bébés, mais la petite troupe passe à six enfants: les Coney Barrett adoptent deux enfant en Haïti en 2005 et après le grave séisme de 2010. Leur cinquième et dernier bébé biologique naît avec le syndrome de Down.

Amy Coney Barrett 2011, alors professeure de la faculté de droit de Notre-Dame.
Amy Coney Barrett 2011, alors professeure de la faculté de droit de Notre-Dame.
Keystone

Il est tout sauf évident pour Amy Coney Barrett de jongler entre une carrière professionnelle aussi rigoureuse et ce programme familial: après avoir obtenu son diplôme en 1997, elle effectue un stage auprès d’un juge et travaille de 1998 à 1999 pour Antonin Scalin, juge conservateur et éminent adversaire de Ruth Bader Ginsburg.

Après des détours par des cabinets d’avocats à Washington, D.C. et Houston (Texas), l’avocate enseigne tout d’abord à la faculté de droit de l’université George Washington avant de retourner dans son ancienne université en 2002. En 2006, 2016 et 2018, son université décernera des prix à la professeure, qui sera également nommée à la cour d’appel fédérale de l’Illinois, de l’Indiana et du Wisconsin par Donald Trump en 2017.

Amy Coney Barrett en avril 2013: quatre des juges constitutionnels précédemment intronisés à la Cour suprême ont étudié à l’université de Yale, quatre ont fréquenté Harvard. La neuvième juge désignée a étudié au cœur des Etats-Unis.
Amy Coney Barrett en avril 2013: quatre des juges constitutionnels précédemment intronisés à la Cour suprême ont étudié à l’université de Yale, quatre ont fréquenté Harvard. La neuvième juge désignée a étudié au cœur des Etats-Unis.
Keystone

«Mes convictions ne joueront aucun rôle»

Pourquoi représente-t-elle un tel casse-tête pour les démocrates? D’abord, bien sûr, parce qu’elle porterait à six contre trois le nombre de juges conservateurs à la Cour suprême. Mais aussi parce que ses opinions religieuses pourraient se traduire par des restrictions des libertés civiles.

Cela concerne par exemple des questions telles que le droit à l’avortement ou le mariage homosexuel, actuellement en cours d’examen. «Je ne vois aucun conflit entre une foi sincère et les devoirs d’un juge», a déclaré Amy Coney Barrett en 2017 lors de sa nomination à la cour d’appel fédérale.

Amy Coney Barrett rencontre Lindsey Graham et d’autres sénateurs républicains, le 29 septembre 2020.
Amy Coney Barrett rencontre Lindsey Graham et d’autres sénateurs républicains, le 29 septembre 2020.
Keystone

«Je n’imposerai jamais mes convictions personnelles au détriment de la loi», a-t-elle souligné il y a trois ans, tout en promettant d’être toujours guidée par la loi. «En ce qui concerne le mariage homosexuel, mes convictions ne joueront aucun rôle.»

Un scepticisme de mise en ce qui concerne les jugements sociaux

La magistrate de 48 ans accorde une grande importance à la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire. Autrement dit, le citoyen ne doit pas exiger du tribunal qu’il reprenne le rôle du législateur lorsque ce dernier se montre trop obtus – au goût du plaignant. Cela s’applique en particulier aux lois sociales, comme Amy Coney Barrett l’a laissé transparaître jusqu’à présent.

Amy Coney Barrett devant la commission judiciaire du Sénat à Washington, D.C., le 12 octobre.
Amy Coney Barrett devant la commission judiciaire du Sénat à Washington, D.C., le 12 octobre.
Keystone

«Les décisions politiques et les jugements de valeur du gouvernement doivent émaner des branches politiques élues par et responsables devant le peuple», a-t-elle déclaré lors de son audition devant la commission judiciaire. «Le public ne doit pas s’attendre à ce que les tribunaux le fassent, et les tribunaux ne devraient pas essayer.»

De l’Obamacare au droit en matière d’adoption, en passant par l’égalité de la communauté LGBTQ – alors que les démocrates utilisent l’audition pour susciter la peur vis-à-vis des décisions que la Cour suprême devra prendre dans la période à venir, Amy Coney Barrett affirme vouloir s’en tenir au texte de la Constitution. Nous ne saurons vraiment ce qu’il en sera qu’à l’issue de cette semaine «longue et riche en controverses».

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