Censure et «messages incohérents»Après le «zéro Covid», l'appareil de propagande chinois à la peine
ATS
26.12.2022 - 09:36
Les médias d'Etat chinois se débattent et les censeurs font des heures supplémentaires en Chine. Les autorités cherchent à présenter un récit cohérent après l'abandon soudain de la politique du «zéro Covid».
Keystone-SDA
26.12.2022, 09:36
ATS
Pendant des années, l'appareil de propagande chinois s'est vanté de la stratégie sanitaire de Pékin, preuve selon lui de la supériorité du régime autoritaire du Parti communiste et de la sagesse du puissant président Xi Jinping.
Désormais, il doit présenter comme une victoire la décision, prise au début du mois, de mettre fin aux restrictions sévères sur les voyages, quarantaines et confinements brutaux, alors même que le nombre de contaminations explose.
Une volte-face décidée après des manifestations de colère, qui ont fait descendre des milliers de manifestants dans les rues d'une dizaine de villes, mais aussi dans l'espoir de relancer l'économie asphyxiée par le «zéro Covid».
«Les médias d'Etat n'ont pas trouvé de grand discours pour légitimer pleinement ce changement soudain et radical», constate Kecheng Fang, professeur à l'école de journalisme et de communication de l'Université chinoise de Hong Kong (HKU). «Ils ont été pris par surprise», dit-il à l'AFP. Les «messages incohérents» laissent penser que l'appareil de propagande n'a peut-être pas reçu de directives adéquates du Parti, observe-t-il.
«Bataille active» contre le virus
Certains médias laissent entendre que tout n'irait pas pour le mieux: l'agence d'Etat Chine nouvelle et la chaîne de télévision nationale CCTV ont diffusé la semaine dernière des reportages exhortant la population à utiliser de manière «rationnelle» les médicaments contre le Covid, et insisté sur les efforts du gouvernement pour en garantir l'approvisionnement.
Mais il n'est pas fait mention de la vague d'infections sans précédent que traverse la Chine, les médias cherchant plutôt à apaiser les craintes sur les risques du variant en circulation et à décrire le changement de politique comme une mesure logique et sous contrôle.
«Si l'on considère les trois dernières années, nous avons mené une bataille active contre la pandémie et traversé une épreuve historique ardue», affirmait la semaine dernière un éditorial du Quotidien du peuple, dirigé par le Parti.
La politique «zéro Covid a démontré la supériorité du système socialiste chinois», poursuivait le quotidien, ajoutant que son «optimisation» permettrait désormais de s'adapter aux nouveaux variants du virus tout en «donnant la priorité à la vie et à la santé du peuple». Quant au nombre croissant de cas de Covid, le silence semble de mise.
Vendredi, un journal géré par le Parti citait un responsable local estimant à un demi-million le nombre de nouveaux cas quotidiens dans la ville de Qingdao (est). Mais samedi, ce chiffre avait disparu de l'article, a constaté l'AFP. Le président chinois n'a lui toujours pas commenté publiquement ce revirement dans sa politique emblématique de lutte contre la pandémie.
Mort d'un «rhume sévère»
Sur les réseaux sociaux chinois, la censure est à l'oeuvre. Sur la plateforme Weibo, l'équivalent de Twitter en Chine, plusieurs messages faisant référence à des décès liés au Covid, semblaient avoir été censurés vendredi après-midi, selon un examen effectué par des journalistes de l'AFP. En particulier, plusieurs photos apparemment prises dans des crématoriums ont été effacées ainsi qu'un message provenant d'une internaute se présentant comme la mère d'une fillette de 2 ans décédée du coronavirus.
Selon le site GreatFire.org, qui surveille la censure, des messages concernant la pénurie de médicaments ou leurs prix abusifs ont également été supprimés. Les internautes y ont aussi publié des commentaires furieux sur la nouvelle méthode de comptabilisation des cas.
L'annonce par un média local pro-gouvernemental de la mort de Wu Guanying, concepteur des mascottes des Jeux olympiques de Pékin de 2008, d'un «rhume sévère» à l'âge de 67 ans, a suscité de nombreux commentaires: l'un d'eux a comparé la formulation au discours officiel en Corée du Nord, tandis qu'un autre demandait: «Est-ce maintenant illégal de dire +Covid+?»
D'autres messages critiques étaient toujours en ligne vendredi après-midi. «Croyaient-ils vraiment qu'ils pouvaient éradiquer le virus avec des confinements?», interrogeait l'un. «Trois ans, et ils n'ont jamais fait de plan d'urgence pour le jour où (le virus) ne pourrait pas être contrôlé?», demandait un autre.
Les responsables chinois «finiront par trouver un moyen de tout présenter comme une victoire», estime encore M. Fang, l'expert de la HKU, estimant que la nouvelle méthodologie pour recenser les cas pouvait y contribuer.
Désormais, seules les personnes directement mortes d'une insuffisance respiratoire liée au Covid-19 sont comptabilisées. Samedi, la Chine n'avait officiellement enregistré aucun nouveau décès dû au virus. Un hashtag Weibo relatif à la nouvelle méthodologie a été censuré.