Une France «polytraumatisée» Après sa victoire, Macron pressé de s'atteler aux divisions

ATS

25.4.2022 - 16:32

Au lendemain d'une présidentielle ayant révélé une France fracturée et une extrême droite au plus haut, Emmanuel Macron, réélu dimanche, est confronté à des défis majeurs pour convaincre des électeurs désabusés ou en colère et remporter une majorité aux législatives.

Une "réélection sans état de grâce", résumait lundi le journal Le Monde.
Une "réélection sans état de grâce", résumait lundi le journal Le Monde.
ATS

Une «réélection sans état de grâce», résume lundi le journal Le Monde, du fait notamment d'une «abstention proche des records et une extrême droite qui dépasse pour la première fois la barre des 40%».

Le quotidien catholique La Croix juge que la victoire d'Emmanuel Macron, premier président français à être réélu pour un second mandat depuis Jacques Chirac en 2002, sonne aussi comme un «avertissement».

Le journal évoque une démocratie «plus que jamais en équilibre instable du fait d'un régime présidentiel qui a montré ses limites».

La bataille pour les législatives, les 12 et 19 juin, s'annonce très disputée, alors que la candidate d'extrême droite Marine Le Pen, qui a gagné environ huit points depuis la présidentielle de 2017, a atteint un score historique avec 41,45% des suffrages.

Malgré ses 58,5% du second tour, Emmanuel Macron, 44 ans, n'apparaît pas en bonne position pour remporter une majorité parlementaire et avoir les mains libres pour mener sa politique.

Il s'est imposé il y a cinq ans dans l'arène politique en surfant sur le délitement des grandes formations traditionnelles. Son parti, La République en marche (LREM), même s'il a conquis la majorité à l'Assemblée nationale en 2017, n'est pas bien implanté sur tout le territoire.

Une partie des électeurs a voté dimanche pour ce centriste libéral uniquement pour faire barrage à l'extrême droite.

Dès dimanche soir, M. Macron s'est d'ailleurs adressé à eux, soulignant avoir «conscience que ce vote (l')oblige pour les années à venir».

Une France «polytraumatisée»

«Ce front républicain a encore du sens, mais il a changé de signification. C'est moins sur les questions de République en danger (...) et davantage sur les questions de compétences», estime le sondeur Brice Teinturier (Ipsos) dans un entretien accordé à l'AFP.

«C'est plutôt l'idée qu'on ne pouvait pas confier les clés du pays à quelqu'un dont le programme semblait moins sérieux, moins solide et du coup beaucoup plus dangereux, notamment sur les questions européennes et économiques», ajoute-t-il.

S'adressant dimanche soir aussi aux électeurs d'extrême droite, M. Macron s'est engagé à trouver «une réponse» à leur «colère et désaccords».

Le dernier quinquennat a été jalonné de crises, des manifestations anti-système du mouvement des «gilets jaunes» à la pandémie de Covid-19.

Et la campagne, marquée par la pandémie et la guerre en Ukraine, a montré une forte lassitude démocratique.

Selon un sondage Ipsos, 41% des 18-24 ans et plus du tiers des 25-34 ans (38%) se sont ainsi abstenus au second tour.

M. Macron, souvent qualifié de «président des riches», doit innover dans la pratique démocratique, pour «éviter une +giletjaunisation+ de son quinquennat», juge Jean-Marcel Bouguereau, dans le journal La République des Pyrénées.

Car il s'agit là d'une France «polytraumatisée», observe Dominique Diogon du quotidien La Montagne.

La carte des résultats dessine en effet deux France. L'une a voté Emmanuel Macron: les grandes métropoles, les classes moyennes supérieures et les retraités. Et l'autre a choisi Marine Le Pen: plus populaire, se sentant souvent exclue, particulièrement dans le nord-est et le pourtour méditerranéen. Avec plus de 60% des voix, Marine Le Pen a par ailleurs réalisé des scores historiques en outremer.

Associer davantage les Français

Face à ces profondes divisions, Emmanuel Macron a promis dimanche soir une «méthode refondée» pour gouverner la France.

Pour Brice Teinturier, «ce n'est pas simplement sur des questions de posture ou d'écoute que vous arriverez à desserrer l'étau d'une réalité qui est que ce pays est profondément divisé sur ce qu'il veut».

«Emmanuel Macron va être confronté à un choix qui est de savoir jusqu'où il doit amoindrir son projet originel et en direction de quel électorat. Plutôt de gauche ou plutôt de droite, qu'il a considérablement digérée et intégrée déjà?».

Face à M. Macron, les deux autres gros blocs politiques se sont déjà lancés dans la bataille.

Dimanche soir, Mme Le Pen a vu dans son score inédit «une éclatante victoire» et la manifestation du «souhait» des Français d'"un contre-pouvoir fort à Emmanuel Macron».

A l'opposé de l'échiquier politique, le dirigeant de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième au premier tour, a fait de ces législatives un «troisième tour».