DiplomatieAssassinat d'un leader sikh au Canada: Ottawa désigne l'Inde
cc
19.9.2023 - 10:23
Le Canada et l'Inde sont plongés mardi dans une grave crise diplomatique, marquée par des expulsions réciproques de diplomates. A l'origine, l'accusation par Ottawa la veille contre New Delhi d'être impliquée dans l'assassinat d'un leader sikh dans l'ouest canadien.
Keystone-SDA, cc
19.09.2023, 10:23
19.09.2023, 10:32
ATS
L'Inde a annoncé mardi avoir ordonné à un diplomate canadien de haut rang de quitter le pays. «Le diplomate concerné a été prié de quitter l'Inde dans les cinq prochains jours», a précisé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.
La décision de New Delhi reflète son «inquiétude croissante face à l'ingérence des diplomates canadiens dans nos affaires internes et leur implication dans des activités anti-indiennes», a expliqué le ministère.
Cette expulsion répond à celle d'un haut diplomate indien annoncée quelques heures plus tôt par le Canada.
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau avait auparavant déclaré devant le Parlement à Ottawa qu'il existait des «éléments crédibles» laissant penser que l'Inde pourrait être responsable de l'assassinat Hardeep Singh Nijjar, un leader sikh et citoyen canadien, dans l'ouest canadien en juin dernier.
«Absurdes»
«L'implication de tout gouvernement étranger dans le meurtre d'un citoyen canadien sur le sol canadien constitue une violation inacceptable de notre souveraineté», a-t-il ajouté dans une allocution de dernière minute devant le Parlement, après avoir convoqué l'opposition.
New Delhi a qualifié mardi matin ces accusations d"'absurdes», démentant «tout acte de violence au Canada».
«Nous sommes un Etat démocratique avec un engagement fort en faveur de l'Etat de droit», a souligné le ministère des Affaires étrangères dans le communiqué.
Ces accusations «visent à détourner l'attention des terroristes et extrémistes khalistanais, qui ont trouvé refuge au Canada et continuent de menacer la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Inde», a-t-il ajouté.
Après l'allocution de M. Trudeau lundi, la ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly a annoncé l'expulsion du chef de l'agence de renseignement indienne au Canada (RAW).
«Les allégations selon lesquelles un représentant d'un gouvernement étranger aurait pu être impliqué dans le meurtre d'un citoyen canadien ici, au Canada, sur le sol canadien, sont non seulement préoccupantes, mais elles sont totalement inacceptables», a déclaré Mélanie Joly.
Militant pour la création d'un Etat sikh connu sous le nom de Khalistan, M. Nijjar était recherché par les autorités indiennes pour des faits présumés de terrorisme et de conspiration en vue de commettre un meurtre.
Accusation «bien documentée»
Des accusations qu'il niait, selon l'Organisation mondiale des Sikhs du Canada, une organisation à but non lucratif qui affirme défendre les intérêts des sikhs canadiens.
Le gouvernement indien accuse le gouvernement Trudeau de fermer les yeux sur les activités de nationalistes sikhs radicaux qui prônent la création d'un Etat sikh indépendant dans le nord de l'Inde.
Signes de la crise qui couvait, Ottawa a suspendu récemment les négociations en vue d'un accord de libre-échange avec l'Inde et la ministre du Commerce a annulé la semaine dernière un déplacement prévu dans le pays en octobre.
Le gouvernement canadien a exhorté lundi le gouvernement indien à «coopérer pour éclaircir cette affaire».
Cette accusation «très grave et bien documentée» du Canada, si elle se révèle véridique, aura «l'effet d'une bombe à travers le monde», soutient Jocelyn Coulon, chercheur en relations internationales et ex-conseiller de Justin Trudeau.
L'Inde rejoindrait «le groupe des nations qui assassinent des opposants politiques», à l'image de l'Arabie Saoudite avec l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, ajoute le chercheur indépendant.
Que l'Inde s'autorise une telle attaque témoigne par ailleurs du «poids déclinant du Canada sur la scène internationale», estime l'expert, soulignant les tensions déjà existantes entre le Canada et la Chine.
Un G20 tendu
L'Inde s'est souvent plaint de l'activité de la diaspora sikh à l'étranger, notamment au Canada, susceptible selon New Delhi de relancer le mouvement séparatiste grâce à une aide financière massive.
L'Etat indien du Pendjab, qui compte environ 58% de Sikhs et 39% d'Hindous, a été secoué par un violent mouvement séparatiste dans les années 1980 et au début des années 1990, qui a fait des milliers de morts.
Aujourd'hui, les partisans les plus virulents du mouvement sont principalement issus de la diaspora pendjabi.
Selon la diplomatie indienne, M. Trudeau avait déjà porté ces accusations auprès du Premier ministre indien Narendra Modi à l'occasion du récent sommet du G20 à New Delhi, lesquelles avaient été «complètement rejetées».
Narendra Modi avait exprimé ses «vives inquiétudes quant à la poursuite des activités anti-indiennes des éléments extrémistes au Canada» lors de sa rencontre avec Justin Trudeau.
M. Trudeau avait ensuite déclaré à la presse qu'il défendrait toujours «la liberté d'expression, la liberté de conscience et la liberté de manifester pacifiquement».
Le Canada est le pays qui compte le plus grand nombre de sikhs en dehors de l'Inde.