Audiences en berne Donald Trump manque aux médias américains

ATS

25.3.2021 - 08:07

Les médias américains nationaux voient leur audience et leur lectorat chuter depuis plusieurs semaines. Il s'agit d'un contrecoup du départ de la Maison-Blanche de l'événement permanent qu'était Donald Trump, auquel a succédé un président parfois jugé «ennuyeux».

L'ex-président américain saluait les curieux lors de son bref passage à la Trump Tower de New York au début mars.
L'ex-président américain saluait les curieux lors de son bref passage à la Trump Tower de New York au début mars.
KEYSTONE

La chaîne d'information CNN incarne cette chute soudaine, avec plus de la moitié de son audience envolée entre janvier et la première quinzaine de mars sur la case reine du «primetime» (20h30 à 22h00), selon les données du cabinet Nielsen.

Ses rivales MSNBC et Fox News s'en tirent mieux, mais affichent également un recul, bien qu'ayant des lignes éditoriales opposées: la première anti-Trump, la seconde pour.

Côté presse, le New York Times a perdu près de 20 millions de visiteurs uniques sur son site Internet entre janvier et février aux Etats-Unis et le Washington Post, près de 30 millions, selon des données du cabinet Comscore.

«Il a nourri la bête»

«Il y a toujours un désastre majeur en cours qui devrait maintenir les gens devant leur écran», à savoir la pandémie de Covid-19, observe Adam Chiara, professeur de communication à l'université d'Hartford, dans le Connecticut. Pour lui, les baisses d'audience montrent que «les gens étaient plus intéressés par les informations concernant le président Trump que par ce qui se passe aujourd'hui».

Aujourd'hui installé en Floride, l'ancien chef de l'Etat a fait quelques apparitions et accordé plusieurs entretiens depuis son départ. Privé de fonctions officielles et de son compte Twitter, il n'a cependant plus la plateforme, qui faisait de lui le centre d'attention permanent des médias.

«Il a nourri la bête, attiré les clics, les abonnements et les téléspectateurs», rappelle Adam Chiara. «On n'a pas appelé cela le 'Trump bump' [le coup de pouce Trump, en français, ndlr] pour rien. Cela devait retomber un jour.»

Pour Tobe Berkovitz, professeur de communication politique à l'université de Boston, les médias sont victimes du contraste entre Donald Trump, son goût de la polémique et son caractère imprévisible, et Joe Biden, «un type ennuyeux», qui a volontairement pris le contre-pied de son prédécesseur dans sa communication.

Bien meilleure forme

«Je ne pense pas que ce soit simplement dû au départ de Donald Trump», tempère Mark Lukasiewicz, doyen de l'école de communication de l'université Hofstra. Il voit aussi l'effet d'une lassitude face aux informations liées au coronavirus et la perspective d'une sortie prochaine de la pandémie.

Qu'il s'agisse de l'élection présidentielle ou de la pandémie, dit-il, «on a traversé une période très intense [...] pendant laquelle l'actualité était essentielle à nos vies». «Aujourd'hui, ces questions [sanitaires] n'ont pas disparu, mais les choses commencent à se calmer.»

Pour autant, malgré ce reflux marqué de leur fréquentation, les grands médias nationaux sont en bien meilleure forme qu'avant l'entrée en campagne de Donald Trump en 2015. CNN affiche toujours une audience plus que doublée par rapport à l'ensemble de l'année 2014, quand MSNBC l'a, elle, triplée.

«Les chaînes d'information conservent une part plus importante de la consommation d'actualité des Américains qu'il y a quelques années», souligne Mark Lukasiewicz, au détriment des chaînes généralistes, dont les journaux ont perdu plusieurs millions de téléspectateurs.

Bientôt une plateforme Trump

Bien que privée de Donald Trump et concurrencée par de petites chaînes très conservatrices comme OAN et Newsmax, Fox News n'a perdu que quelques points de pourcentage d'audience depuis janvier.

Quant aux quotidiens nationaux, ils ont profité de cette période faste pour accélérer leur transition numérique et ont désormais validé leur nouveau modèle, essentiellement bâti sur les abonnements en ligne.

En quatre ans seulement, soit la durée du mandat de Donald Trump à la Maison-Blanche, le New York Times a multiplié par 2,6 son portefeuille d'abonnés et échappé à la crise de la presse écrite, avec laquelle se débat encore une bonne partie du secteur.

«Le rythme de l'actualité va varier et l'audience fluctuer [...] Mais, quoi qu'il en soit, je pense que nous sommes bien positionnés pour continuer à croître», a déclaré la directrice du New York Times, Meredith Kopit Levien, lors de la présentation des résultats annuels, début février.

Reste la menace d'une nouvelle plateforme estampillée Trump, dont l'ancien président lui-même a annoncé lundi l'arrivée prochaine, sans donner aucun détail, même s'il s'agirait plutôt d'un réseau social que d'un média d'information.

«Il conserve une énorme capacité à lever des fonds et une influence majeure sur le parti» républicain, rappelle Mark Lukasiewicz. «Et s'il décidait de les mettre au service d'un média, cela pèserait, au moins à court terme.»