BirmanieAung San Suu Kyi en accusation, l'ONU redoute «une guerre civile»
ATS
1.4.2021 - 21:16
L'ex-dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, détenue depuis le coup d'Etat du 1er février, a été accusée jeudi d'avoir violé une loi sur les secrets d'Etat datant de l'époque coloniale. La veille, l'ONU avait mis en garde contre un risque de «bain de sang imminent».
Keystone-SDA
01.04.2021, 21:16
01.04.2021, 21:39
ATS
Les autorités «ont entamé le 25 mars une nouvelle procédure, l'accusant d'avoir violé la loi sur les secrets d'Etat», a dit à l'AFP son avocat, Khin Maung Zaw. Elles ont aussi ordonné aux fournisseurs d'accès de suspendre les connexions internet sans fil dans le pays «jusqu'à nouvel ordre», a indiqué un opérateur de télécommunications.
Les autorités ont déjà ordonné la suspension des transferts de données mobiles et cette nouvelle coupure risque de paralyser les communications en ligne dans le pays où très peu de gens ont accès à des lignes fixes.
Plus de 535 personnes, dont de nombreux étudiants, des adolescents et de jeunes enfants, ont été tués par les forces de sécurité en deux mois, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Des centaines d'autres, détenues au secret, sont portées disparues.
Aung San Suu Kyi, 75 ans, a comparu en visioconférence devant un tribunal de la capitale Naypyidaw pour une audience portant sur des questions administratives comme la désignation officielle des huit avocats de son équipe de défense.
En bonne forme
Elle paraissait en «bonne condition physique», a dit l'un d'eux. Elle était «brillante et charmante comme toujours», a commenté l'avocat Khin Maung Zaw. Son équipe de défense l'avait vue la veille par vidéo et sous surveillance policière pour la première fois depuis le putsch.
«Elle a demandé une rencontre entre elle et ses avocats – une réunion privée pour donner ses instructions à sa défense et discuter de l'affaire sans ingérences extérieures de la police ou des forces armées», a-t-il ajouté. La prochaine audience est fixée au 12 avril.
La prix Nobel de la paix 1991 est poursuivie pour quatre chefs, dont «incitation aux troubles publics». Des accusations d'avoir perçu plus d'un million de dollars et onze kilos d'or de pots-de-vin s'y ajoutent mais elle n'a pas encore été inculpée de «corruption». Elle encourt de longues années de prison, risquant d'être bannie de la vie politique.
Autodafé de la Constitution
D'ex-députés de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), ont annoncé mercredi la formation pendant la première semaine d'avril d'"un nouveau gouvernement civil» de résistance. Dans la clandestinité depuis le coup d'Etat, ils ont aussi annoncé que la Constitution de 2008 rédigée par le régime militaire précédent était «annulée».
Jeudi, des protestataires ont brûlé une pile de copies du texte dans une rue de Rangoun, où deux supermarchés appartenant à l'armée ont été incendiés dans la nuit. Deux manifestants ont été tués à Monywa (centre) et Mandalay, selon des secouristes et un médecin.
La Croix-Rouge prise pour cible
Des veillées à la bougie et des prières silencieuses se sont déroulées à la mémoire des «martyrs» morts ces deux derniers mois et des manifestants ont défilé à Rangoun avec des «larmes de sang» peintes sur le visage. Des dizaines de milliers de fonctionnaires et de salariés du privé sont toujours en grève.
La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a accusé les forces de sécurité de s'en prendre aux secouristes. «Des médecins et des secouristes de la Croix-Rouge en Birmanie ont été arrêtés de façon injustifiée, intimidés ou blessés et des biens et des ambulances de la Croix-Rouge ont été endommagés. C'est inacceptable», a déclaré le directeur régional de l'organisation pour l'Asie-Pacifique Alexander Matheou.
Risque de guerre civile
Au cours d'une réunion d'urgence à huis clos mercredi du Conseil de sécurité de l'ONU, l'émissaire de l'ONU pour la Birmanie Christine Schraner-Burgener a mis en garde contre «un risque de guerre civile à un niveau sans précédent». La Zurichoise a exhorté à «envisager tous les moyens à sa disposition pour (...) éviter une catastrophe multidimensionnelle au coeur de l'Asie».
Mais ses quinze membres restent divisés. Si Washington et Londres ont défendu la mise en oeuvre de sanctions par l'ONU, Pékin, un allié traditionnel de l'armée birmane, a fermement rejeté cette idée, tout en appelant à «revenir à une transition démocratique».
Le Royaume-Uni a sanctionné jeudi un deuxième conglomérat lié à l'armée, Myanmar Economic Corporation (MEC), une semaine après des sanctions communes avec Washington ayant visé Myanmar Economic Holdings Ltd (MEHL).
La Suisse a quant à elle à son tour décidé de sanctionner les responsables du coup d'Etat en Birmanie. Onze personnes sont ciblées: le commandant en chef de l'armée Min Aung, neuf des plus hauts gradés des forces armées et le président de la Commission électorale. Ces personnes ne peuvent plus se rendre en Suisse et leurs éventuels avoirs sont gelés.