Avant le scrutin européenViktor Orban fait monter les enchères
ATS
27.11.2023 - 17:05
Charles Michel est arrivé en Hongrie lundi, tapissée d'affiches anti-UE. Le président du Conseil européen a rencontré le Premier ministre Viktor Orban, qui provoque de plus en plus ouvertement Bruxelles, en vue des élections européennes de 2024.
27.11.2023, 17:05
27.11.2023, 17:38
ATS
L'entrevue, discrète, a duré «un peu plus de deux heures», a précisé un représentant de l'UE, évoquant «des consultations approfondies». Orban a salué de son côté sur Facebook «une discussion utile», sans plus de détails.
Il s'agissait de désamorcer les tensions avant le crucial sommet de mi-décembre que Budapest menace de saboter au moyen de son droit de veto.
Dans une récente lettre, Viktor Orban – seul dirigeant de l'UE à avoir maintenu des liens étroits avec le Kremlin – dénonce la stratégie européenne à l'égard de Kiev. Et brandit son refus catégorique d'une nouvelle aide financière de 50 milliards d'euros à l'Ukraine et de l'ouverture de négociations d'adhésion.
Entre Bruxelles et Budapest, les sujets de discorde sont nombreux depuis le retour au pouvoir de M. Orban en 2010: indépendance de la justice, politique migratoire, droits de la communauté LGBT+, et maintenant l'Ukraine.
«Combats symboliques»
Le ton se fait toujours plus virulent: une campagne nationale accusant l'UE de tous les maux vient d'être lancée. Sur les posters placardés dans les rues, la cheffe de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, est désignée à la vindicte publique.
Mais pourquoi attaquer de front l'UE, alors que la Hongrie est en pleines négociations pour obtenir le déblocage d'une partie des milliards d'euros de fonds gelés depuis des mois?
Si certains y voient un chantage, des experts notent aussi une offensive destinée à rallier la population en amont du scrutin de 2024 contre les honnis «bureaucrates bruxellois».
«La Hongrie se défend et résiste de toutes ses forces» au modèle actuel «qui mène l'Europe à sa ruine», lançait mi-novembre Viktor Orban devant ses troupes, convaincu qu'une victoire des forces anti-système au Parlement européen est possible en juin prochain.
«Alors qu'approche la campagne électorale, le gouvernement veut marquer sa différence, insister sur les changements qu'il compte apporter à Bruxelles», explique à l'AFP le politologue Daniel Deak, de l'Institut du XXIe siècle, pro-Orban.
Ces «combats symboliques face à des ennemis externes», le responsable hongrois en a besoin pour mobiliser sa base, renchérit Bulcsu Hunyadi, du groupe de réflexion Political Capital.
Dans le même état d'esprit, il a durci sa politique anti-LGBT+ en restreignant récemment aux moins de 18 ans l'accès à des photos représentant des personnes homosexuelles, sous la pression notamment du parti d'extrême droite Notre Patrie.
«Tendre la main»
Avant les élections européennes de 2019, la Hongrie s'en était déjà prise au prédécesseur de Mme von der Leyen, Jean-Claude Juncker, lors d'une opération similaire qui avait hérissé Bruxelles.
Dans les deux cas, la campagne les présente comme des marionnettes – du milliardaire juif américain d'origine hongroise George Soros à l'époque et de son fils Alex désormais, bêtes noires de Viktor Orban pour leur soutien financier aux causes libérales dans le monde.
Des attaques «profondément teintées d'antisémitisme», a réagi une porte-parole de l'organisation Open Society Foundations (OSF).
«C'est une vieille tactique qui vise à créer une menace vague et imaginaire pour détourner les électeurs des vrais problèmes dans l'éducation ou la santé», dit-elle à l'AFP. «Et une nouvelle preuve du niveau d'indécence politique atteint par un pays membre de l'UE».
Officiellement, Ursula von der Leyen est «restée de marbre», a commenté la Commission.
En coulisses, cette campagne est accueillie avec «un certain dédain, voire dégoût», raconte un diplomate européen, mais «on a appris à vivre avec les aboiements d'Orban à Budapest».
«L'enjeu est de tendre la main et de ne pas crisper davantage dans un moment très critique de négociations requérant l'unanimité», explique-t-il. Pour Bulcsu Hunyadi cependant, Bruxelles fait une erreur en voulant ménager la Hongrie.
Un rôle dangereux
«Viktor Orban est un fin tacticien qui n'a pas d'autre choix pour l'instant que de se plier aux règles de l'UE puisqu'il est plutôt isolé, mais il joue un rôle dangereux», estime-t-il.
Car il a bâti un système incompatible avec les traités européens signés lors de l'adhésion en 2004, et s'érige en exemple pour d'autres dirigeants d'extrême droite. Comme Marine Le Pen en France ou Geert Wilders aux Pays-Bas, qu'il a tenu à être le premier à féliciter après sa récente victoire aux législatives.