Le président américain Joe Biden a effectué mardi une visite historique dans cette ville de l'Oklahoma pour «rompre le silence». Il a promis de combler le fossé racial encore béant aux Etats-Unis.
Cette tuerie en 1921, au cours de laquelle un quartier prospère peuplé de Noirs a été complètement rasé par des hommes blancs sûrs de leur impunité, a «trop longtemps été oubliée dans notre histoire. Aussitôt qu'elle s'est produite, il y a eu un effort manifeste pour l'effacer de notre mémoire», a dénoncé le démocrate.
«Désormais votre sort sera connu de tous», a assuré le septuagénaire, sans aller jusqu'à promettre des mesures concrètes de réparations financières aux nombreux descendants de victimes venus l'écouter. M. Biden bénéficie d'un large soutien dans la population noire américaine.
Mardi, il est devenu le premier président à commémorer en personne à Tulsa l'une des pages les plus sombres de l'histoire des Etats-Unis d'Amérique, en présence de trois survivants centenaires.
300 Noirs massacrés
Le 31 mai 1921, des hommes noirs venus défendre un jeune Afro-Américain arrêté et accusé d'avoir agressé une femme blanche s'étaient trouvés face à des centaines de manifestants blancs en colère devant le tribunal de Tulsa. Dans une ambiance tendue, des coups de feu avaient été tirés, et les Noirs avaient fui vers leur quartier de Greenwood.
Le lendemain, à l'aube, des Blancs avaient pillé et brûlé commerces et maisons de ce qui était alors surnommé «Black Wall Street», exemple de réussite économique. Comme les pertes économiques engendrées, le bilan humain est difficile à estimer, mais, selon les historiens, jusqu'à 300 Noirs ont été tués et près de 10'000 ont perdu leur logement, sans qu'un seul responsable blanc ne soit condamné.
La police avait même armé certains assaillants, selon le rapport d'une commission d'enquête. Au final, les autorités allèrent jusqu'à accuser les habitants de Greenwood d'avoir fomenté une émeute.
Excuses officielles
Mardi, le gouvernement Biden a annoncé des mesures d'aide économique à la population noire, censées faciliter notamment leur accession à la propriété ou la création d'entreprises. Dans l'après-midi à Tulsa, le président a également condamné les restrictions «absolument sans précédent» du droit de vote des Noirs, adoptées par certains Etats conservateurs.
Dans les rues, quelques pancartes rappelaient que «les vies des Noirs comptent» ou exigeaient la fin d'un «racisme généralisé». Le révérend Robert Turner, dont l'église méthodiste afro-américaine Vernon est l'un des rares bâtiments de Greenwood à avoir échappé à la destruction en 1921, a lancé une pétition demandant des réparations.
«J'espère que ce pays s'occupera enfin des citoyens qu'il a mal traités pendant des siècles, à savoir les Noirs», a-t-il confié à l'AFP. Aux Etats-Unis, des descendants d'esclaves font des demandes similaires.
Lundi, le maire de Tulsa George Bynum a présenté des excuses formelles pour «l'incapacité de la municipalité à protéger notre communauté en 1921». Dans cette localité de l'Oklahoma, Etat du Sud esclavagiste et un des bastions du Ku Klux Klan, les effets de cette destruction se ressentent encore aujourd'hui.
«Il est temps de guérir»
«Quand les touristes visitent Tulsa, ils n'arrivent pas à croire à quel point la ségrégation est toujours présente ou à quel point le racisme est évident», a expliqué Michelle Brown, responsable des programmes éducatifs au centre culturel local.
Le 19 avril, certains des derniers survivants centenaires s'étaient déplacés à Washington pour témoigner devant le congrès et demander que le pays reconnaisse leur souffrance.
Dès 2001, une commission avait recommandé que les habitants de Greenwood reçoivent une compensation. Jusqu'ici, ces appels sont restés vains.
Pour LaShaundra Haughton, 51 ans, arrière-petite-fille de survivants du massacre, «il est temps de guérir. Il est temps de dire la vérité. Il est temps de tout mettre en lumière».