BrésilBilan mitigé pour les 100 premiers jours du président Lula
ATS
6.4.2023 - 07:43
Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva n'a pas vraiment connu d'état de grâce. Il affiche un bilan mitigé pour les 100 premiers jours de son troisième mandat à la tête du Brésil, 13 ans après avoir quitté le pouvoir sur une popularité record.
Keystone-SDA
06.04.2023, 07:43
ATS
L'icône de la gauche a fait un retour au sommet de l'Etat dans un pays profondément divisé, après avoir été élu seulement d'une courte tête face au président sortant d'extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022).
Lula, 77 ans, n'a pourtant pas chômé. Il s'est vite montré actif sur des dossiers importants comme la remise sur pied de programmes sociaux, les discriminations raciales, les droits des indigènes ou la normalisation des relations diplomatiques après l'isolement du Brésil sous son prédécesseur. Mais ses débuts ont été assombris par des déclarations à l'emporte-pièce et un bras de fer avec la banque centrale, qui n'a fait qu'accroître la méfiance des milieux d'affaires.
Balle dans le pied
Lula plafonne à 38% d'opinions favorables, bien moins qu'au début de ses deux premiers mandats (43% en 2003 et 48% en 2007), selon un sondage de l'institut Datafolha publié trois mois après son entrée en fonctions. C'est mieux que son prédécesseur au bout de trois mois (32%), mais le taux de rejet est pratiquement au même niveau (29%, contre 30% pour M. Bolsonaro).
Une semaine à peine après l'investiture de Lula, la toute jeune démocratie brésilienne a été mise à rude épreuve, avec le saccage des lieux de pouvoir de la capitale par des hordes de «bolsonaristes».
Pour Denilde Holzhacker, politologue à l'école de marketing ESPM, le président de gauche n'a pas su profiter du sentiment d'union sacrée ayant suivi ces attaques, quand il a reçu le soutien appuyé de la plupart des représentants d'un congrès penchant pourtant clairement à droite. «L'esprit [d'unité] de la deuxième semaine de son mandat n'a pas duré et les divergences se sont même accentuées», dit l'analyste à l'AFP.
En cause, des déclarations controversées d'un Lula, qui semble passé maître dans l'art de se tirer une balle dans le pied.
«Fautes directes»
Ainsi, il a insinué qu'une opération policière contre un gang accusé de préparer l'assassinat du sénateur Sergio Moro n'était qu'un «coup monté» de la part de cet ancien juge anticorruption qui l'a condamné à la prison ferme en 2017.
De quoi requinquer une opposition qui était «démobilisée après les attaques du 8 janvier» et qui a par ailleurs été confortée par le retour la semaine dernière de Jair Bolsonaro après un séjour de trois mois aux Etats-Unis, assure Denilde Holzhacker.
Lula «accumule les fautes directes», résume l'économiste Rodrigo Zeidan, utilisant une expression tennistique dans une chronique pour le quotidien Folha de S. Paulo. Le président a multiplié les attaques contre le président de la banque centrale pour réclamer la baisse du taux directeur, un des plus élevés au monde. Mais ce dernier s'est montré inflexible.
«Lula a sa façon de parler. Il y a toujours une grande défiance des milieux d'affaires à son égard, mais en fait, dans les actes, son gouvernement a davantage penché vers l'austérité», dit à l'AFP André Perfeito, économiste du cabinet de consultants Necton.
«Equilibre difficile»
En témoigne par exemple la présentation la semaine dernière du nouveau cadre fiscal permettant de financer des dépenses sociales sans trop creuser le déficit public.
Lula a déjà pu relancer son programme social phare, Bolsa Familia, avec une augmentation des minima sociaux. Il s'est également montré intraitable dans la défense des peuples indigènes, déployant l'armée pour commencer à déloger les milliers d'orpailleurs clandestins du territoire du peuple yanomami.
Pour ce qui est de la politique étrangère, le bilan des 100 jours est «plutôt positif» pour Oliver Stuenkel, professeur de relations internationales à la fondation Getulio Vargas. «Lula est parvenu à normaliser des relations qui s'étaient fortement dégradées avec certains pays» lors du gouvernement Bolsonaro.
Le président s'est rendu en Argentine et aux Etats-Unis. Il ira en Chine la semaine prochaine, un voyage repoussé d'une dizaine de jours en raison d'une pneumonie.
Mais avec ce retour à la tradition brésilienne du multilatéralisme, «il lui sera difficile de maintenir l'équilibre entre l'Occident d'un côté et la Chine et la Russie de l'autre», prévient M. Stuenkel, évoquant notamment «les réticences de Lula à condamner fermement Moscou au sujet de la guerre en Ukraine».