Londres Des diplomates pro junte s'emparent de l'ambassade

gida

8.4.2021 - 09:25

La junte en Birmanie a ordonné à ses diplomates à Londres d'évincer l'ambassadeur favorable à Aung San Suu Kyi, suscitant la condamnation du Royaume-Uni. À Rangoun, un acteur célèbre a été arrêté jeudi, alors que la contestation se poursuit.

Keystone-SDA, gida

«Nous condamnons les actions d'intimidation du régime militaire de Birmanie à Londres hier», a déclaré le chef de la diplomatie britannique Dominic Raab sur Twitter au lendemain de sa prise de contrôle de l'ambassade de Birmanie à Londres.

Il a salué l'ambassadeur birman Kyaw Zawar Minn pour «son courage» et réitéré son appel à la fin des «violences épouvantables» en Birmanie et à «un rétablissement rapide de la démocratie», après le coup d'Etat militaire du 1er février.

L'ambassadeur birman a accusé mercredi une personnalité militaire proche de la junte qui a pris le pouvoir à Rangoun d'"occuper» son ambassade. L'attaché militaire a pris la direction de la représentation, a relevé Kyaw Zwar Minn, dénonçant «une sorte de coup d'État», dans un contexte diplomatique très tendu.

Instructions de Rangoun

Le diplomate, qui avait apporté en mars son soutien au gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi, avait auparavant dit au Daily Telegraph que ceux qui occupaient l'ambassade en avaient «reçu l'instruction de la capitale» et donc qu'ils n'allaient «pas me laisser entrer».

Le Royaume-Uni a déjà sanctionné plusieurs responsables de la junte, dont le commandant en chef de l'armée Min Aung Hlaing, pour leur rôle dans le coup d'Etat militaire, ainsi que des conglomérats liés aux militaires.

Environ 600 civils tués

La répression sanglante des forces de sécurité contre le vent de fronde démocratique qui secoue le pays depuis plus de deux mois ne faiblit pas.

Douze personnes ont été tuées mercredi, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP). L'ONG recense quelque 600 civils – dont une cinquantaine d'enfants et d'adolescents – abattus depuis le coup d'Etat du 1er février.

Le bilan pourrait être plus lourd: plus de 2800 personnes ont été arrêtées. Beaucoup, sans accès à leurs proches ou à un avocat, sont portées disparues.

Acteur célèbre interpellé

Et la traque judiciaire se poursuit. Quelque 120 célébrités du pays – chanteurs, mannequins, journalistes – sont visées par un mandat d'arrêt, accusées d'avoir diffusé des informations susceptibles de provoquer des mutineries dans les forces armées.

Parmi elles, Paing Takhon, mannequin, acteur et chanteur très célèbre en Birmanie et en Thaïlande voisine. Le jeune homme de 24 ans a été interpellé jeudi matin au domicile de sa mère à Rangoun «par une cinquantaine de policiers et de militaires et placé en détention», a indiqué sa soeur aînée Thi Thi Lwin sur Facebook.

Mercredi, dans un de ses derniers messages sur internet, il avait indiqué «ne pas être en bonne santé depuis de nombreux jours».

«J'ai le coeur brisé», «Rendez-nous notre héros»: les condamnations ont fleuri sur les réseaux sociaux où Paing Takhon était suivi par un million de fans avant que ses pages Facebook et Instagram soient fermées. L'acteur a été l'une des premières personnalités du pays à condamner le putsch.

Chaussures et fleurs contre la junte

La mobilisation pro démocratie ne faiblit pas avec des dizaines de milliers de travailleurs en grève et des secteurs entiers de l'économie paralysés. Mais les foules sont moins nombreuses à manifester par peur des représailles. La répression «se concentre désormais dans les zones rurales», relève l'AAPP.

Dans les villes, les protestataires essayent de trouver des parades pour continuer à se faire entendre. Jeudi, Ei Thinzar Maung, une des têtes d'affiche de la contestation, a demandé à la population de symboliser chaque manifestant absent avec une chaussure.

Des dizaines remplies de fleurs jaunes de padouk, normalement associées au nouvel an birman qui débute la semaine prochaine, ont été installées dans les rues de Mandalay, d'après des images diffusées sur les réseaux sociaux.

A Rangoun, elles ont été déposées dans des abribus, certaines décorées de roses rouges en hommage aux «héros tombés sous les balles».

Rébellions ralliées à la contestation

De nouveaux affrontements ont par ailleurs eu lieu mercredi entre l'armée et une des principales factions ethniques armées du pays, l'Union nationale karen (KNU), faisant un mort.

LA KNU et une dizaine d'autres rébellions ont apporté leur soutien à la contestation pro démocratie, faisant craindre un risque de guerre civile dans un pays habitué aux conflits ethniques depuis son indépendance en 1948.