«Comme un rat»Boris Johnson: le chat aux neuf vies de plus en plus précaires
ATS
6.6.2022 - 22:54
«Certains disent que vous êtes un chat à neuf vies. Combien vous-en reste-t-il?» demandait récemment un journaliste au Premier ministre britannique Boris Johnson.
Keystone-SDA
06.06.2022, 22:54
06.06.2022, 22:56
ATS
Lundi, Boris Johnson a prouvé qu'il lui en restait au moins une, survivant à un vote de défiance, alors qu'une majorité de Britanniques souhaitent désormais son départ.
Fin 2019, Boris Johnson, 57 ans, était le héros charismatique du Brexit, ayant offert à son parti conservateur une victoire historique aux législatives. Deux ans et demi plus tard, les Britanniques ont perdu confiance en lui après une série de scandales, dont celui du «partygate», ces fêtes organisées régulièrement à Downing Street durant le confinement.
La police a estimé qu'il avait enfreint la loi, du jamais vu pour un Premier ministre en exercice. Une enquête administrative très sévère a également dénoncé la culture laxiste à Downing Street, lui en imputant la responsabilité.
Symbole de son naufrage, Boris Johnson a été hué lors des fêtes du jubilé de la reine Elizabeth la semaine dernière. Sa cote de popularité est passée de 66% d'opinions favorables en avril 2020 à 26%, (dernier baromètre YouGov) et 60% des Britanniques pensent qu'il devrait démissionner.
Machine à perdre
Mais ce voltigeur de la politique à l'aplomb phénoménal en a vu d'autres et s'y refuse obstinément. Chevelure paille désordonnée, énergie communicative, il s'est récemment dit «absolument» persuadé qu'il serait toujours Premier ministre dans six mois.
La guerre en Ukraine, dossier dans lequel il s'est fortement impliqué, puis les fêtes du jubilé, avaient temporairement repoussé la motion de défiance qui couvait depuis des mois. Elle a été annoncée quelques heures seulement après la fin du jubilé.
Boris Johnson avait été une formidable machine à gagner en 2019. Mais de plus en plus de conservateurs le voient comme une machine à perdre, après plusieurs revers lors d'élections locales.
Car sur tous les sujets intérieurs, inflation, immigration, impôts, logement, économie, santé, transports, Brexit, éducation, criminalité, environnement... une majorité des Britanniques pensent que son gouvernement fait du mauvais travail, selon un récent sondage YouGov. Ce pourcentage atteint 74% pour l'inflation, au plus haut depuis 40 ans.
Manque de sérieux
Il en faudrait plus pour atteindre Alexander Boris de Pfeffel Johnson, né à New York le 19 juin 1964, et qui selon sa soeur voulait, enfant, devenir «le roi du monde».
Après deux ans passés à Bruxelles où son père était fonctionnaire européen, il suit le parcours fléché de l'élite britannique, collège d'Eton puis université d'Oxford. Certains enseignants, déjà, dénoncent un manque de sérieux et une propension à se croire au dessus des règles.
En 1987, le voilà journaliste stagiaire au Times grâce à des relations familiales. Il en est rapidement renvoyé pour une citation inventée. Le Daily Telegraph le repêche et l'envoie à Bruxelles, où à coup d'outrances et d'approximations il tourne les institutions européennes en ridicule.
Collection d'amendes
De retour à Londres, il devient chroniqueur politique pour le Telegraph et le Spectator, écrit aussi des critiques automobiles pour le magazine GQ. Il est drôle, érudit, percutant. Mais collectionne pour 4000 livres sterling d'amendes de stationnement avec les voitures qu'il teste. Très souvent aussi, les voitures livrées chez lui ne bougent pas, a raconté l'ancien rédacteur en chef de GQ Dylan Jones.
Il entre au Parlement en 2001, rapidement renvoyé du «cabinet fantôme» de l'opposition pour avoir menti sur une liaison. Puis il prend la mairie de Londres aux travaillistes en 2008, à l'époque pro-Européen et pro-immigration. Il y reste huit ans, se taille une stature internationale, aidé par les Jeux olympiques.
«Comme un rat»
Il devient ensuite l'une des principales figures de la campagne du Brexit, puis chef de la diplomatie sous Theresa May, et la remplace comme Premier ministre en juillet 2019. «C'est un artiste brillant, mais inapte à des fonctions nationales, car il semble qu'il ne se soucie que de son destin et de sa satisfaction personnelle», a dit de lui son ancien patron au Telegraph Max Hastings.
«Boris Johnson est comme un rat. Il marmonne aimablement jusqu'à ce qu'il soit pris au piège. Ensuite il mâchera des os, tuera n'importe qui, fera n'importe quoi pour se libérer», affirmait récemment un proche, anonyme, dans le Times.
Sa vie privée est à la hauteur du personnage. Marié trois fois, en 1987, 1993 et 2020, il a au moins sept enfants, dont les deux plus jeunes nés de son mariage en 2020 avec Carrie Symonds, 34 ans, ancienne chargée de communication du parti conservateur.