Brexit Brexit: face aux remontrances, Londres répond par la menace

ATS

12.6.2021 - 22:33

Le Brexit fissure l'unité affichée par les dirigeants des grandes puissances du G7: les échanges ont viré à l'aigre samedi entre Européens et Britanniques, opposés par de profondes divergences sur l'Irlande du Nord.

En marge du G7, Boris Johnson a appelé les Européens à faire preuve «de pragmatisme et de compromis», selon Downing Street.
En marge du G7, Boris Johnson a appelé les Européens à faire preuve «de pragmatisme et de compromis», selon Downing Street.
KEYSTONE/Brendan Smialowski/Pool Photo via AP

Face aux remontrances de l'Union européenne, qui l'accuse de manquer à sa parole sur ses engagements post-Brexit dans la province britannique, le Premier ministre Boris Johnson a répondu par la menace, tout en se disant désireux de trouver un terrain d'entente.

Si ses anciens partenaires refusent de faire preuve de souplesse, il n'hésitera pas à passer outre certaines dispositions du protocole nord-irlandais en invoquant son article 16, qui l'y autorise en cas de «graves difficultés économiques, sociétales ou environnementales», a expliqué le chef de gouvernement conservateur sur Sky News.

Cette passe d'armes fait de l'ombre au sommet du G7, dans le sud-ouest de l'Angleterre, où les dirigeants des pays riches veulent montrer un front uni attaché au multilatéralisme.

«Solution pragmatique»

Au coeur du différend entre Londres et l'UE se trouvent les dispositions commerciales spécifiques à l'Irlande du Nord prévoyant des contrôles sur certains échanges entre la Grande-Bretagne et la province britannique, de l'autre côté de la mer d'Irlande, afin d'éviter qu'ils aient lieu entre la province et la république au sud.

Au point, selon Londres, de compromettre l'approvisionnement des Nord-Irlandais, en saucisses anglaises notamment, et de menacer l'intégrité et la souveraineté du Royaume-Uni.

Après une rencontre samedi avec Boris Johnson en marge du sommet, le président français Emmanuel Macron s'est dit «prêt» à relancer les relations franco-britanniques, a indiqué l'Elysée, à condition que «les Britanniques respectent la parole donnée aux Européens et le cadre défini par les accords Brexit».

«Les deux côtés doivent appliquer ce sur quoi nous nous sommes mis d'accord. L'unité de l'UE à ce sujet est totale», ont abondé sur Twitter Ursula von der Leyen et Charles Michel, les dirigeants de la Commission et du Conseil européens.

La chancelière allemande Angela Merkel a semblé vouloir calmer le jeu, plaidant pour «une solution pragmatique».

Les mesures adoptées pour l'Irlande du Nord sont censées «préserver» la paix dans la province en évitant le retour d'une frontière dure avec la république d'Irlande voisine, membre de l'UE. Mais depuis le Brexit, ce dossier empoisonne les relations entre les deux parties.

En maintenant de fait le territoire dans l'union douanière et le marché unique européens, et en perturbant les approvisionnements, ces mesures sont aussi une source de tensions dans la province britannique. Elles ont même provoqué de violents heurts début avril, que certains craignent de voir se répéter lors des marches traditionnellement organisées en juillet par les unionistes orangistes.

«Trop puriste»

Londres accuse Bruxelles d'adopter une «approche trop puriste» sur l'application des dispositions douanières. Face à ces tentatives d'assouplir les règles unilatéralement, l'UE a signifié qu'elle n'hésiterait pas à prendre des mesures de rétorsion, comme des droits de douanes ciblés.

Ces derniers jours, les crispations se sont cristallisées sur les importations de viande réfrigérée, qualifiées par la presse britannique de «guerre de la saucisse», à l'approche fin juin de l'arrivée à échéance d'une période de grâce pour les contrôles.

En marge du G7, Boris Johnson a appelé les Européens à faire preuve «de pragmatisme et de compromis», selon Downing Street.

Il s'est dit favorable à la recherche de «solutions pratiques» dans le cadre du protocole afin de «minimiser» son impact sur la vie quotidienne des Nord-Irlandais, tout en préservant l'accord de paix du Vendredi saint.

Celui-ci a été conclu en 1998 pour mettre fin à trois décennies de violences sanglantes entre partisans (unionistes) et opposants (républicains) au maintien dans la couronne britannique.

Des discussions se sont tenues à Londres mercredi encore, sans avancée.

Le porte-parole de Boris Johnson avait indiqué à demi-mot vendredi que Londres n'excluait pas d'étendre unilatéralement la période de grâce, comme le gouvernement l'avait déjà fait au printemps pour les importations agroalimentaires, irritant les Européens qui ont déclenché une procédure d'infraction.

Fier de ses racines irlandaises, le président américain Joe Biden a également réaffirmé son attachement au protocole, garant selon lui de la paix.