Au coeur de l’EuropeCette capitale devenue un nid d’espions russes
AFP
9.4.2024
L'Autriche, de nouveau accusée d'être un nid d'espions russes, promet de légiférer afin de limiter les activités de Moscou sur son territoire au cœur de l'Europe et convoque mardi un Conseil national de Sécurité.
AFP
09.04.2024, 07:34
Gregoire Galley
L'arrestation fin mars d'un ancien agent secret a mis le feu aux poudres après plusieurs affaires embarrassantes pour le pays alpin depuis 2018.
Egisto Ott est soupçonné d'avoir «systématiquement» fourni contre rémunération des informations à la Russie, selon des éléments de l'enquête cités par l'agence APA.
L'information est partie de Grande-Bretagne, où ont été découverts des messages compromettants dans le cadre de l'affaire de cinq Bulgares jugés pour espionnage.
Plus grave encore: alors que depuis deux ans le président russe Vladimir Poutine mène une guerre sans merci contre l'Ukraine, des taupes séviraient toujours, selon une source proche des services autrichiens de renseignement interrogée par l'AFP.
Avec Ott, des agents doubles auraient agi pour le compte de l'Autrichien désormais mondialement célèbre Jan Marsalek, au cœur de la faillite de la société de paiements bavaroise Wirecard.
Introuvable depuis qu'il a fui en 2020, il se trouverait à Moscou sous une fausse identité, protégé par les services de renseignement russes, selon des enquêtes de médias internationaux.
«Chez nous, les agents viennent simplement de la police ou de l'armée» et certains sont tentés de retourner leur veste alors que dans les grands pays occidentaux, ils sont souvent formés dans les meilleures universités, décrypte Siegfried Beer, fondateur du centre viennois de réflexion ACIPSS, consacré au renseignement.
Selon lui, le passage au gouvernement du parti d'extrême droite FPÖ entre 2017 et 2019 a «fait beaucoup de dégâts». Le mouvement, longtemps lié à la Russie par un accord officiel de coopération, avait pris le contrôle de l'Intérieur, un ministère stratégique qui lui avait toujours échappé auparavant. Et s'était illustré par une perquisition très controversée des services de renseignement.
Plusieurs services occidentaux avaient dans la foulée limité leurs échanges d'informations avec l'Autriche, de peur que celles-ci ne soient partagées avec Moscou. On se souvient aussi de la cheffe de la diplomatie autrichienne Karin Kneissl qui avait invité le chef du Kremlin à son mariage et valsé avec lui.
Des liens troubles que l'actuel gouvernement, formé d'une coalition entre les conservateurs et les Verts, se plaît à rappeler en amont des législatives prévues fin septembre. Il accuse le FPÖ, en tête des intentions de vote, de ruiner la réputation du pays. Face à ces allégations, cette formation politique se défend.
«Cela fait plus d'un an que les représentants du parti» de Vladimir Poutine «Russie unie ont confirmé» que l'accord de coopération qui nous unissait «n'existe plus», a répondu à l'AFP son porte-parole, Volker Höferl.
Soucieux de montrer les muscles en pleine campagne électorale, le chancelier Karl Nehammer a convoqué une réunion pour stopper «l'infiltration russe».
Et la ministre de la Justice Alma Zadic a prévu de durcir la loi, déplorant «les lacunes» qui ont permis au pays de devenir «un paradis pour les espions du monde entier».
Actuellement, aucun texte n'interdit les activités d'espionnage - sauf si elles visent spécifiquement l'Autriche - dans ce pays neutre, membre de l'Union européenne où siègent de nombreuses organisations internationales.
L'hebdomadaire viennois Falter recensait début mars 23 espions russes agissant sous couvert d'activités diplomatiques. Rien de très surprenant, pour qui gratte un peu derrière le décor d'opérette de la capitale.
Car occupé par les vainqueurs de la Seconde guerre mondiale, y compris les Soviétiques, puis plaque tournante des échanges est-ouest du temps de la guerre froide, ce pays alpin de neuf millions d'habitants a su garder son attractivité après 1989.
Fin du secret bancaire, interdiction des cartes téléphoniques anonymes: il y a certes eu des réformes, exigées souvent par Washington. Mais «la qualité de vie et le caractère multiculturel de Vienne font que les agents s'y sentent toujours aussi bien», ironise Siegfried Beer, qui note que beaucoup d'entre eux décident d'y couler une retraite plus ou moins paisible.
Avec un dénouement parfois tragique: ces quinze dernières années, un ancien chef jordanien du renseignement, un ex-ministre libyen du pétrole et l'ex-gendre en disgrâce d'un président kazakh y ont laissé la vie.
Vladimir Poutine acclamé en héros
Vladimir Poutine a salué lundi le "retour à la patrie" des territoires ukrainiens occupés par Moscou, acclamé par une foule rassemblée sur la place Rouge après sa très large réélection à l'issue d'une présidentielle sans opposition.