11ème jour Civils pris au piège à Marioupol, l'étau se resserre autour de Kiev

ATS

6.3.2022 - 21:52

La population était prise au piège dimanche dans le port assiégé de Marioupol, dans le sud de l'Ukraine, où une deuxième tentative d'évacuation humanitaire a échoué. Dans la région de Kiev, l'armée russe resserre son étau, forçant les civils à fuir.

Dans la ville de Marioupol, qui était encerclée par les troupes russes et sous le feu, il devrait y avoir une autre tentative d'évacuation. (photo d'archive prise le jeudi 3 mars 2021 depuis Marioupol. - PHOTO : APA/MÉDECINS SANS FRONTIÈRES)
Dans la ville de Marioupol, qui était encerclée par les troupes russes et sous le feu, il devrait y avoir une autre tentative d'évacuation. (photo d'archive prise le jeudi 3 mars 2021 depuis Marioupol. - PHOTO : APA/MÉDECINS SANS FRONTIÈRES)
KEYSTONE

6.3.2022 - 21:52

Au 11e jour de l'invasion russe de l'Ukraine, alors que les images de destructions rappellent celles d'Alep pendant la guerre en Syrie ou de Grozny lors de celle de Tchétchénie, le Haut Commissaire de l'ONU aux réfugiés Filippo Grandi a estimé qu'il s'agissait de «la crise des réfugiés la plus rapide en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale».

Pour la deuxième journée consécutive, la population a dû renoncer à quitter la ville portuaire de Marioupol, sur la mer d'Azov, qui vit un «blocus humanitaire», selon son maire Vadim Boïtchenko.

«Au milieu de scènes dévastatrices de souffrances humaines, une deuxième tentative aujourd'hui de commencer à évacuer quelque 200'000 personnes de la ville a été interrompue», a indiqué le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Celle-ci devait permettre une évacuation jusqu'à Zaporojie, à environ trois heures de route. Mais «nous n'avons pas pu emprunter le couloir humanitaire en raison des bombardements russes», a dit la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Vereshchuk.

Le président russe Vladimir Poutine a mis l'échec des évacuations sur le compte des «nationalistes ukrainiens», qui selon lui, ont empêché celle programmée samedi de Marioupol et de Volnovakha, une ville proche.

Au final, très peu de personnes ont pu quitter Marioupol. Mais une famille qui a rejoint samedi Dnipro (centre) a raconté, sous couvert d'anonymat, être restée à l'abri dans une cave «sept jours sans chauffage, électricité, internet», manquant d'eau et de nourriture. Sur la route, a-t-elle témoigné, «il y avait des cadavres partout, des Russes et des Ukrainiens».

La chute de Marioupol serait un tournant dans l'invasion russe, lancée le 24 février.

Elle permettrait la jonction entre les troupes russes en provenance de la Crimée annexée, qui ont déjà pris les ports clés de Berdiansk et de Kherson, et celles du Donbass. Ces forces consolidées pourraient ensuite remonter vers le centre et le nord de l'Ukraine.

Et sur la mer Noire, c'est désormais Odessa qui préoccupe le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui accuse la Russie de «se préparer à bombarder» ce port de près d'un million d'habitants proche de la frontière moldave.

Kiev en ligne de mire

Dans le même temps, les soldats russes se rapprochent de Kiev. D'intenses combats ont eu lieu dans la périphérie de la capitale, selon l'administration régionale ukrainienne, notamment autour de la route menant vers Jytomyr (150 km à l'ouest de Kiev), ainsi qu'à Tcherniguiv (150 km au nord de la capitale), pilonnée depuis plusieurs jours par l'aviation russe.

A 200 km au sud-ouest de la capitale, l'aéroport de Vinnytsia a été «complètement détruit» par des frappes russes, selon M. Zelensky. En matinée, Moscou avait annoncé avoir détruit l'aérodrome militaire de Starokonstantinov, à 130 km au nord-est.

Quant à Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine à 50 km de la frontière russe (est), elle restait la cible d'intenses bombardements qui ont touché une tour de télévision, selon le gouverneur régional Oleg Synegubov.

L'exode se poursuit

Face à l'aggravation de la situation, l'exode s'intensifie. «Plus de 1,5 million de réfugiés venant d'Ukraine ont traversé (la frontière) vers les pays voisins en 10 jours», a indiqué M. Grandi, qui s'attend à ce que le flot augmente encore au fil des jours à venir.

Dans les gares des villes ukrainiennes menacées par l'armée russe, la cohue régnait, femmes et enfants cherchant à partir après des adieux déchirants avec leurs maris et pères restant pour se battre.

Le président russe Vladimir Poutine a nié dimanche «que son armée prenne des civils pour cible», lors d'un entretien avec son homologue français Emmanuel Macron.

Mais l'Organisation mondiale de la santé (OMS) «a authentifié plusieurs attaques contre des soins de santé en Ukraine, faisant plusieurs morts et des blessés», a affirmé le chef de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Moscou avait évoqué mercredi la mort de 498 soldats russes et 2870 morts côté ukrainien. Kiev fait état dimanche de plus de 11'000 soldats russes tués, sans révéler ses propres pertes militaires. Des chiffres impossibles à vérifier de manière indépendante.

Pour sa part, l'ONU a confirmé la mort de 351 civils et plus de 700 blessés, un bilan qui est «sans doute bien plus élevé car les vérifications sont en cours».

Efforts diplomatiques

Sur le front diplomatique, les efforts se poursuivent sans succès à ce stade, avant un nouveau round de négociations entre Russes et Ukrainiens prévu lundi.

Après le bombardement le 4 mars de la centrale nucléaire de Zaporojie, le président russe a assuré à son homologue français qu'il n'était «pas dans son intention» d'attaquer les centrales nucléaires ukrainiennes. Celles de Zaporojie et de Tchernobyl sont occupées par les forces russes.

Mais lors de cet échange, M. Macron a trouvé le président russe «très déterminé à atteindre ses objectifs». M. Poutine a déjà prévenu que si l'Ukraine ne se pliait pas à ces exigences, elle pourrait perdre son «statut d'Etat».

Le Kremlin multiplie aussi les messages aux Occidentaux. M. Poutine a prévenu samedi que la mise en place d'une zone d'exclusion aérienne au-dessus de l'Ukraine – demandée par Kiev mais refusée par l'Otan – serait considérée «comme une participation au conflit armé».

Effets de la guerre en Russie

En Russie, le Kremlin continue d'imposer le silence. Au moins 2500 personnes manifestant contre l'intervention militaire en Ukraine ont été arrêtées dimanche dans une cinquantaine de villes de Russie, a indiqué l'ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi des manifestations.

Mais les effets de la guerre et des sanctions commencent à atteindre la classe moyenne russe et les entreprises étrangères continuent massivement de quitter la Russie. Dernière en date: American Express, emboîtant le pas aux géants américains des cartes bancaires Visa et Mastercard.

Les autorités russes craignent désormais l'apparition d'un marché noir alimentaire. Des chaînes de supermarché ont imposé des restrictions sur les quantités vendues à chaque individu.

ATS