10% de l'électricité mondialeLe nucléaire, un allié du climat? La question divise
ATS
25.10.2021 - 07:52
L'énergie nucléaire, qui n'émet pas de gaz à effet de serre, peut-elle sauver le climat ou au moins faire gagner du temps en attendant le développement d'énergies nouvelles? La question continue de diviser les spécialistes comme les nations.
25.10.2021, 07:52
ATS
«Tout ce qui fait baisser les émissions est une bonne nouvelle», répond le directeur exécutif de l'agence internationale de l'énergie (AIE), Fatih Birol, lorsque l'AFP l'interroge sur le rôle de l'atome comme des renouvelables. «Toutes les sources d'électricité propres me satisfont».
Un des gros avantages de l'énergie nucléaire, source d'environ 10% de l'électricité mondiale, est qu'elle n'émet pas directement de CO2.
Même en analysant l'ensemble de son cycle de vie – en prenant en compte les émissions liées à l'extraction de l'uranium ou au béton des centrales – elle émet très peu de gaz à effet de serre: beaucoup moins que le charbon ou le gaz et même moins que le solaire.
Doublement de la puissance
L'énergie nucléaire augmente ainsi sa part dans «la plupart» des scénarios que le GIEC, les experts climats de l'ONU, a élaboré pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C par rapport à la fin du XIXe siècle. Alors que le monde aura besoin de plus d'électricité pour remplacer les énergies fossiles – comme dans les transports routiers – le nucléaire semble avoir une carte à jouer.
L'agence internationale de l'énergie atomique a ainsi relevé ses projections, pour la première fois depuis la catastrophe de Fukushima en 2011. Elle prévoit désormais un doublement de la puissance installée d'ici à 2050 dans le scénario le plus favorable.
C'est en Chine que l'on compte le plus de nouveaux réacteurs. Et «de nombreux pays envisagent l'introduction de l'énergie nucléaire pour soutenir la production d'énergie fiable et propre», note l'agence viennoise.
Son directeur général, Rafael Mariano Grossi, y voit une prise de conscience que l'énergie nucléaire «est absolument vitale pour atteindre» la neutralité carbone en milieu de siècle. Un objectif central de la prochaine grande conférence climat, la COP26, en novembre.
«Préférences»
Toutefois, les scientifiques du GIEC reconnaissent aussi que «le déploiement futur du nucléaire peut être contraint par des préférences sociétales». L'atome continue à avoir mauvaise presse dans certains pays, en raison des risques d'accidents catastrophiques ou du problème, irrésolu et de très long terme, des déchets.
La ligne de fracture traverse l'Union européenne. Tandis que l'Allemagne a décidé une sortie progressive du nucléaire après Fukushima, des pays d'Europe centrale comme la Pologne et la République tchèque y voient un moyen de moins dépendre du charbon.
Avec des opinions publiques aux sensibilités souvent différentes: «En République tchèque, l'énergie nucléaire est perçue comme une source d'électricité fiable et relativement bon marché», souligne Wadim Strielkowski, expert de l'énergie à la Prague Business School.
Cette ligne de partage se retrouve dans le débat à Bruxelles autour de l'inclusion ou non du nucléaire dans la «taxonomie» verte, la classification des activités jugées bonnes pour le climat et l'environnement.
Echec des EPR
Les opposants à l'atome, souvent héritiers du pacifisme, à l'image de Greenpeace, ont pour leur part mis de côté leurs arguments traditionnels, pour se concentrer sur des calculs d'efficacité. Les coûts des renouvelables n'ont cessé de baisser pendant que les grands projets nucléaires sont devenus longs et coûteux, avec parfois d'importants dépassements, comme le chantier de l'EPR de Flamanville en France.
«Le nouveau nucléaire est beaucoup plus cher et beaucoup plus lent que les renouvelables», estime Mycle Schneider, auteur d'un rapport annuel critique sur le nucléaire.
«Dépenser de l'argent aujourd'hui dans le nouveau nucléaire aggrave la crise climatique, car les investissements ne sont pas placés dans ce qui est moins cher, plus rapide, donc, plus efficace», calcule cet expert.
L'industrie nucléaire estime toutefois ne pas avoir dit son dernier mot. Depuis quelques années, elle parie beaucoup sur les petits réacteurs modulaires (SMR en anglais). Plus simples, fabriqués en série en usine, ils sont moins susceptibles de dérives que les chantiers pharaoniques.
«L'avenir de l'énergie nucléaire, que ce soit en République tchèque ou ailleurs dans le monde, pourrait être les petits réacteurs», estime Wadim Strielkowski. Mais malgré l'intérêt marqué de plusieurs nations, seule la Russie a pour l'instant mis en service une centrale flottante utilisant cette technologie.