Affaire CrytpoDouze recommandations pour tirer les leçons de l'affaire
kd, ats
10.11.2020 - 14:31
La Suisse a bénéficié de l'opération d'espionnage de la CIA avec la société Crypto AG. Le Conseil fédéral porte une part de responsabilité dans les activités de l'entreprise. La délégation des commissions de gestion du Parlement a livré mardi ses conclusions.
L'enquête parlementaire montre que le Service de renseignement stratégique, l'organisation qui a précédé le Service de renseignement de la Confédération (SRC), savait depuis 1993 que des services de renseignement étrangers se cachaient derrière la société Crypto AG. Les renseignements helvétiques ont ensuite collaboré avec leurs homologues étrangers pour collecter des informations sur l'étranger par le biais de cette entreprise basée en Suisse.
Cette collaboration était en principe conforme à la loi, mais elle avait aussi une portée politique. Pourtant, le Conseil fédéral n'en a été informé qu'en 2019, regrette la délégation. La dissimulation de ces faits montre des lacunes dans la gestion et la surveillance exercées par le gouvernement.
Celui-ci porte donc une partie de la responsabilité dans les exportations par la société Crypto d'appareils de cryptage «vulnérables», conclut le rapport.
Recommandations
La délégation, qui a repris l'enquête en février, fait douze recommandations. Destinée en majeure partie au Département fédéral de la défense (DDPS), elles vont des conditions pour informer rapidement les autorités à l'archivage des documents relevant du renseignement ou des dossiers des anciens ministres de la défense, en passant par l'acquisition des instruments de cryptage par l'armée.
Les révélations autour de la société Crytpo ont fait scandale mi-février. La CIA et les services de renseignement allemands (BND) auraient, durant des dizaines d'années, intercepté des milliers de documents via les appareils de chiffrement de l'entreprise Crypto. Grâce à des appareils truqués, la CIA et le BND ont écouté les conversations de plus de 100 Etats étrangers.
Les deux services de renseignement ont acheté l'entreprise zougoise à parts égales en 1970, en passant par une fondation du Liechtenstein. Le BND a quitté l'opération en 1993. Mais les Etats-Unis ont prolongé les écoutes jusqu'en 2018 au moins, selon des recherches conjointes de l'émission de la SRF Rundschau, de ZDF et du Washington Post.
Cet été, le Conseil fédéral a autorisé le Ministère public de la Confédération (MPC) à mener une procédure pénale qui ne concerne pas les activités d'espionnage. Le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) a déposé plainte contre inconnu pour des manipulations dans la vente de dispositifs de cryptage. Une procédure également épinglée par la délégation dans son rapport.
Le Parlement a quant à lui refusé de mettre sur pied une commission d'enquête parlementaire (CEP) pour faire la lumière sur l'affaire comme l'auraient souhaité les socialistes et les Verts.
Publicatoin intégrale
Le rapport d'inspection de la délégation sera publié intégralement, pour faire autant que possible la transparence sur cette affaire, indique la délégation. Celui rédigé par l'ancien juge fédéral Niklaus Oberholzer, qui traite des activités de Crypto et des services de renseignement impliqué, ne sera pas publié. Classifié secret, il contient des informations qui pourraient nuire aux intérêts de la Suisse.
Le Conseil fédéral a maintenant jusqu'au 1er juin 2021 pour se prononcer et réagir aux recommandations que contient le rapport.